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Poker menteur


Le pari de Pascal : croire en Dieu sur un coup de dés ?

Blaise Pascal est connu pour son célèbre « pari », qui encourage le sceptique à croire en Dieu, puisqu’il n’a rien à y perdre.

Le « pari de Pascal » pourrait se résumer trivialement ainsi : que Dieu existe ou qu’il n’existe pas, autant croire en lui pour être sûr de gagner sa place au paradis, si paradis il y a. Car l »’immortalité de l’âme est une chose qui nous importe si fort, qui nous touche si profondément, qu’il faut avoir perdu tout sentiment pour être dans l’indifférence de savoir ce qui en est. Toutes nos actions et nos pensées doivent prendre des routes si différentes, selon qu’il y aura des biens éternels à espérer ou non… », estime le philosophe, théologien et mathématicien.

Et la mort dans tout ça ?

Comme le souligne Francis Kaplan en 1989, Pascal commence (« et peut-être même de manière indiscrète ») par mettre son lecteur en face de sa propre mort. Mais à l’inverse des directeurs de conscience, comme Bossuet, ou des sermonnaires qui s’appuient sur la Bible et s’adressent à des croyants, le philosophe s’adresse… à des libertins : « Il ne peut pas leur dire ‘Attention vous allez vous trouver devant Dieu’, il peut dire ‘Faites attention, le problème est important. Peut-être que vous allez vous trouver devant Dieu. Peut-être que Dieu existe. Alors ça suffit pour que vous posiez réellement le problème de savoir si Dieu existe, ou n’existe pas.' », explique Francis Kaplan.

C'est mathématique

Il s’agit aussi de rappeler que Pascal était mathématicien, qu’il théorisa sur les jeux de hasard, et fut à l’origine du premier pas dans l’univers des probabilités. C’est ainsi qu’il estimait que son propre pari avait des chances d’être valable.

« Ce qu’on appelle le pari de Pascal est extrêmement précis, c’est un calcul. Il s’adresse à des libertins, mais aussi à des joueurs, ceux qu’on appellerait aujourd’hui des joueurs de casino, qui sont capables de faire des calculs pour essayer de savoir quelle combinaison de dés ils doivent faire pour obtenir le gain d’argent qui est sur la table. C’est le génie de Pascal je pense, de s’adresser à ces personnes-là, des gens qui sont très loin de lui, de cette manière-là. Il les condamne sans doute moralement mais finalement ce n’est pas son affaire ! Ce qu’il y a de génial dans ce texte c’est de voir que, à tout prendre, sur un malentendu, ça peut marcher ! Pascal n’est pas dogmatique en la matière. Il dit que même dans une logique qui est absolument profane, complètement rationnelle et pas du tout de l’ordre de la croyance, il y a une bonne raison de croire en Dieu. » (Adèle Van Reeth)

Un pari philosophique

Mais alors, le pari n’est-il pas un peu vain, faussé ? Quel non-croyant pourrait devenir croyant par la seule persuasion d’une théorie qui lui présente les avantages de la foi ? Comme si la foi était performative…

Posé ainsi, le problème peut sembler prosaïque… Pourtant, c’est bien à l’aune de la philosophie que le traite Pascal, à l’inverse de philosophes comme Descartes, ou Malebranche, qui ont fait de la question de l’immortalité de l’âme une question purement intellectuelle. « C’est philosophique parce que le pari lui-même est un choix de vie en réalité. Vivre en pariant l’existence de Dieu, c’est choisir de vivre sa vie comme si un être supérieur existait. Et toutes les questions relatives à la ligne directrice qu’on va donner à sa vie, au but qu’on veut s’assigner, ont des dimensions philosophiques. », explique Adèle Van Reeth, qui rappelle que si la philosophie sert à quelque chose, c’est bien à interroger le sens de l’existence. « Pascal ne fait pas autre chose dans ses Pensées.


EXTRAITS D’UN TEXTE À LIRE DANS SON INTÉGRALITÉ AVEC UN PODCAST SUR FRANCE-CULTURE