Le XIIe et le XIIIe siècle furent des périodes de profondes mutations religieuses et sociales en Europe. Au sein de ce bouillonnement, une foi dissidente émergea avec force en Occitanie, défiant l'hégémonie de l'Église catholique romaine : le catharisme. Son essor et sa tragique disparition sont inextricablement liés à un contexte politique et social complexe, marqué par une tolérance religieuse singulière : le soutien des élites locales et les enjeux de pouvoir qui ont conduit à la sanglante croisade des Albigeois.
Le Languedoc médiéval se distingue par une tolérance religieuse relative, contrastant avec l’intolérance rigide qui prévaut ailleurs en Europe. Différentes croyances pouvaient coexister, créant un environnement moins rigide qu’ailleurs. Cette tolérance, bien que parfois fragile, permit aux idées cathares de se diffuser et de s'enraciner progressivement au sein de la population, les prêches des « bons hommes » et des « bonnes femmes » y trouvèrent ainsi une audience favorable.
Plusieurs raisons expliquent cette protection. Pour certains, il s'agissait d'une conviction religieuse sincère, adhérant aux principes de pureté et d'austérité prônés par les cathares. Pour d'autres, le soutien au catharisme représentait une forme d'affirmation de leur autonomie face au pouvoir grandissant de l'Église catholique et du royaume de France. En protégeant les cathares, ces seigneurs affirmaient leur identité régionale et leur indépendance politique. De plus, la simplicité du culte cathare, moins coûteux que les fastes de l'Église romaine, pouvait également séduire une noblesse soucieuse de ses finances.
La croisade contre les Albigeois ne fut pas uniquement une affaire de foi. Derrière la condamnation de l'hérésie cathare se cachaient d'importants enjeux géopolitiques. Le royaume de France, en pleine expansion, convoitait les riches et prospères territoires du sud. L'Église catholique, alarmée par la propagation du catharisme qui menaçait son autorité spirituelle et temporelle, trouva dans le roi de France un allié puissant. La croisade permit ainsi au nord de la France d'étendre son influence et son contrôle sur le Midi, affaiblissant les comtes de Toulouse et les autres seigneurs occitans. La promesse de terres et de richesses attira de nombreux barons du nord, transformant la croisade en une véritable guerre de conquête.
Face à l’Inquisition et aux persécutions, les Cathares ont développé des stratégies de survie, notamment en s’organisant dans la clandestinité & en se réfugiant dans des forteresses isolées comme Montségur . Les « bons hommes » et « bonnes femmes » continuent d’enseigner et de pratiquer leur foi malgré les risques en bénéficiant de la complicité de la population. Leur résistance a été héroïque, mais elle n’a pas suffi à empêcher leur déclin. L’aide de certaines familles nobles leur permet de maintenir un réseau de soutien longtemps après la croisade.
Le catharisme offrait aux femmes un statut social et religieux significativement plus élevé que celui qu'elles occupaient au sein de l'Église catholique. Les femmes pouvaient devenir «parfaites» ou «bonnes femmes», menant une vie d'ascèse et de dévotion, prêchant et enseignant la foi cathare et envivant dans une relative indépendance. Leur rôle actif dans la communauté religieuse contrastait fortement avec la place marginale qui leur était accordée par l'institution catholique. Ce contraste marqué avec le modèle patriarcal de l’Église romaine contribue à son attrait pour de nombreuses Occitanes.
L'Inquisition, institution ecclésiastique spécialement créée pour lutter contre l'hérésie, joua un rôle central dans la répression du catharisme après la croisade. Elle devint l'instrument principal de la persécution, traquant sans relâche les derniers fidèles et sympathisants de la foi cathare.
Les méthodes de l'Inquisition étaient redoutables. Elles comprenaient la délation encouragée, les interrogatoires poussés, la torture pour obtenir des aveux et les procès inéquitables & secrets. Les accusés étaient souvent privés de leurs droits et condamnés sur la base de témoignages douteux ou de simples soupçons. Les Cathares sont emprisonnés, exécutés, brûlés ou condamnés à la confiscation de leurs biens.
L'action conjuguée de la croisade et de l'Inquisition finit par venir à bout du catharisme en Occitanie. Après la chute de Montségur, dernier bastion fortifié, le catharisme décline. Les derniers «parfaits» se cachent encore quelques décennies, mais l’Inquisition achève son œuvre d’éradication.
Au-delà de l’extermination religieuse, la croisade contre les Albigeois fut une entreprise politique majeure. Elle permit au roi de France d’étendre son contrôle sur le Sud, d’affaiblir les seigneurs locaux, et à l’Église de réaffirmer sa toute-puissance doctrinale.