Accueil > Blog > Conscience > Science & conscience

Science & conscience


Science & conscience

Science sans sens ?

La science cherche à déchiffrer le monde mais n’offre pas obligatoirement un sens à la vie, si on fait l’hypothèse que celle-ci en ait un. Depuis les philosophes de l’antiquité l’humain n’a-t-il pas toujours cherché un sens à sa vie, fut-il imaginé  ? 

Spiritualité

La spiritualité c’est ce qui nous permet d’avoir le sentiment d’être relié à quelque chose de plus vaste que nous. Saint Augustin suppose que l’étymologie du mot religion vient de religare, qui veut justement dire « relier ». Ce qu’on peut appréhender par la transcendance ou l’immanence, en suivant une religion ou en pratiquant la méditation, est ce qui peut donner un sens et un but à la vie. Sans aucune assurance de sa réalité nécessaire il n’importe car ces moments de connexion sont remplis de sérénité, de gratitude et d’émerveillement.

C’est une sensation personnelle que nous ne sommes rien dans cet univers et en même temps nous pouvons ressentir que nous sommes tous, dans cet univers, unis comme les cellules d’un même corps. Telle la métaphore zen de la goutte d’eau qui n’est rien en soi et qui pourtant fait partie de l’océan. Nous prenons conscience du lien entre le Macrocosme et le Microcosme, entre cet univers et notre quotidien, ce que le texte hermétique la « Table d’Émeraude » décrit en « Ce qui est en bas, est comme ce qui est en haut ; et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, pour faire les miracles d'une seule chose. ». Les philosophes de l’antiquité ont d’ailleurs toujours cherché à faire comprendre que l'homme est une partie intégrante de l’univers : 

    • Aristote a imaginé un ordre hiérarchique céleste

    • Épicure, qui pense déjà que l’Univers n’est composé que d’atomes et de vide

    • Les stoïciens qui considèrent le cosmos soumis à un logos, une raison cosmique immuable et nécessaire

    • Blaise Pascal chercha déjà le lien entre science et conscience: L’homme n’est, pour lui, qu’un misérable atome en comparaison avec l’immensité de l’Univers, mais en même temps il est un géant vis-à-vis de l’infiniment petit. À la fois minuscule et gigantesque, il est ce « monstre incompréhensible » auquel seul Dieu peut donner un sens. 

    • Apparemment Emmanuel Kant, à l’opposé, critique les tentatives métaphysiques pour fonder la morale sur une vision scientifique de l’Univers et montre, dans Critique de la raison pure, que l’on ne peut prouver grand-chose sur l’origine et les limites du cosmos. 

    • Et Husserl pour qui la montée du nazisme et du fascisme n’a rien à voir avec des pratiques dictatoriales traditionnelles, mais concerne notre rapport même au monde qui nous entoure. D’après lui, la montée du totalitarisme couronne une crise de la rationalité occidentale en général. 

N’oublions pas non plus que nous sommes, physiquement, de la poussière d’étoiles et que les particules qui nous composent sont aussi vieilles que le big-gang

Ce « sentiment océanique » comme le décrit Romain Rolland, le fait de se sentir en unité avec l'univers, loin d’en faire une pratique de reclus, montre au contraire l’unité du vivant et bouleverse ainsi la vie quotidienne en développant des qualités sociales telles que : compassion, souci du monde, gratitude, inspiration, amour.

Relations entre science et spiritualité 

Les relations entre la spiritualité et la science ne sont pas précisément en harmonie. Et cela depuis longtemps. Au Moyen-Âge et à la Renaissance, développer des nouvelles idées scientifiques était  dangereux face au pouvoir de l’Église. Pour exemple nous pouvons donner celui de Giordano Bruno qui, poursuivant les travaux de Nicolas Copernic, développe la théorie de l'héliocentrisme et montre, de manière philosophique, la pertinence d'un univers infini, qui n'a ni centre ni circonférence, peuplé d'une quantité innombrable d'astres et de mondes identiques au nôtre. Accusé d'athéisme et d'hérésie (particulièrement pour sa théorie de la réincarnation des âmes) par l'Inquisition, il est condamné à être brûlé vif.

Et pourtant certains scientifiques de grande valeur y voient des rapprochements, on peut citer l’astrophysicien  Trinh Xuan Thuan qui a fait un livre avec le  moine bouddhiste Matthieu  Ricard : L’Infini dans la paume de la main. Du Big Bang à l’éveil). On peut aussi parler d’Einstein qui écrivait : « La religion du futur sera une religion cosmique. Elle devra transcender l’idée d’un Dieu existant en personne et éviter le dogme et la théologie. […] Le bouddhisme répond à cette description ».

C’est aussi Pierre Teilhard de Chardin  pour qui l’humanité évolue en conscience dans une convergence vers « le point Oméga »..

Nous pouvons aussi citer Philippe Guillemant cet ingénieur physicien français, Docteur en Physique qui exerce son activité au CNRS qui remet en question les quatre croyances associées aux dogmes scientifiques : 

    • Matérialisme : La conscience serait un sous-produit du cerveau;  

    • Darwinisme : La nature jouerait aux dés pour faire ses choix;  

    • Mécanicisme : La réalité évoluerait mécaniquement dans le temps; 

    • Passé figé : La causalité ne pourrait être inversée.

Dans la fin des années 70 il y eut aussi Jean-Émile Charon pour qui, selon sa théorie de la « relativité complexe », chaque particule posséderait à la fois, un "dehors" porteur de ses caractéristiques physiques, et un "dedans" contenant ses propriétés spirituelles situé dans un autre espace-temps. Sorte de micro-trou noir ou micro-univers mental rempli de lumière nouménale à néguentropie croissante. Elle présenterait des propriétés psychiques, disposerait d'une liberté de comportement, et mémoriserait de façon cumulative toutes les expériences vécues depuis son origine. Ainsi, notre mémoire acquise et notre mémoire innée seraient accumulées dans les particules constituant l'ADN.  

Bien-être : Science vs spiritualité

Prenons un des champs de confrontation voire d’opposition de la science et de la spiritualité qu’est le bien-être, la santé. La science nie ou au moins minimise le rôle de la pratique spirituelle sur le bien-être. La science médicale va principalement se centrer, avec raison, sur le diagnostic et le traitement de la pathologie. Mais du coup on reproche à la science de moins s’occuper du bien-être du malade, d’accorder moins d’attention à sa santé psychologique. On peut se demander si s’ouvrir à des interventions qui engloberaient la spiritualité ne pourrait pas aider l’individu dans son traitement sans le rejeter .

Plus de 300 études ont cherché à comprendre la relation entre la spiritualité et la santé. Et si le lien entre la spiritualité et les soins médicaux étaient établis, quels en serait le danger et les risques ? Cela pourrait être, pour le malade, une étincelle nécessaire pour allumer l’espoir et la motivation vers la guérison. 

Déjà au XIXème siècle, William James, fondateur de la psychologie en Amérique, fondateurs du pragmatisme considérait qu’il était inutile et vain de tenter de se focaliser sur les définitions abstraites mais qu’il fallait étudier les conséquences d’un énoncé, les soumettre à l'expérience pour tester leur vérité, prise au sens d'adéquation à la réalité. Ainsi il accordait une place importante à la croyance, c'est-à-dire à des hypothèses qu'on va chercher à tester pour vérifier leur vérité. Pour lui, les croyances ont un effet d'entraînement. En conséquence, ce qui intéressait James dans la spiritualité, ce n’était pas la doctrine en elle-même mais les conséquences pratiques de la croyance en cette doctrine. Lui, comme d’autres avait émis l’hypothèse que les pratiques spirituelles d’un individu peuvent influencer le bien-être physiologique aussi bien que psychologique.

Et depuis les études ont pu montrer des liens avec des renforcements du système immunitaire et des taux de survie plus élevés chez les survivants d’une chirurgie cardiaque, montrant les avantages avérés de la spiritualité.

Il est bien sûr difficile de prouver en soi l’influence spirituelle dans le bien-être physiologique mais en même temps il existe de nombreuses preuves pour souligner les avantages que l’on pourrait tirer d’une pratique spirituelle en cas de maladie.

Une méta-analyse (McCullough et al., 2000) de plus de 40 échantillons indépendants a rapporté que l’engagement religieux est significativement et positivement associé à la longévité . Les gens vivent plus longtemps, ont des vies plus satisfaisantes et significatives pour eux, et ont des taux plus faibles d’états dépressifs. Une étude (Greeson, J.M. 2011) sur la réduction du stress basée sur la pratique de la méditation de pleine conscience a montré une amélioration de la satisfaction globale de la vie et une amélioration de la santé physique et mentale globale . Les participants à un programme de méditation ont vu diminuer les cas de dépression. La baisse de la pression artérielle et des niveaux d’hypertension a été démontrée comme un avantage de la pratique spirituelle. Avec une formation appropriée, les infirmier·e·s peuvent aider les patients à réduire leur tension artérielle en trouvant une  « paix intérieure » . La méditation a toutes sortes d’avantages – de l’amélioration de la santé, du bonheur et de la concentration à la diminution de la douleur et de la dépression.

Bien sûr, ces résultats pourraient aussi être un placebo – nous avons tendance à nous sentir mieux lorsque nous croyons que quelque chose va nous faire sentir mieux. Mais même s’il s’agit d’effets placebo, l’important est que les effets soient présents. D’ailleurs cet effet placebo est-il à dénigrer car non maîtrisé par la science ? Il est intimement lié au processus de guérison, et diverses études lui attribuent une part de 30% dans les succès thérapeutiques. Un placebo ne remplacera jamais une médication adaptée, mais n’y a-t-il pas une place pour un usage intégré du placebo dans le paysage des soins ? Pour Mireille Rosselet-Capt la "placebogénèse" s'apprend ; elle repose avant tout sur une relation thérapeutique de qualité. L'effet placebo suscite donc beaucoup d'espoirs.

Nouveau paradigme

Depuis le XVIIème siècle la science a bien changé. Même si la mécanique de Newton sert toujours pour envoyer des objets et des humains dans l’espace, depuis le début du XXème siècle de nouveaux paradigmes sont apparus qui changent beaucoup de chose, comme la mécanique quantique ou les nouvelles théories du « chaos ». 

Ce peut être une possibilité de voir la science se réconcilier avec la vie, un désir de rapprocher le « monde de la science » et le « monde de la vie » [J.-M. Pelt, Dieu de l’univers. Science et Foi]. En effet Jacques Monod voyait dans l’homme moderne, l’homme façonné par la science, un « tsigane en marge de l’univers ». Dans le prolongement de Galilée et Descartes la science s’éloigne d’une vision systémique pour aller vers une approche plus mécaniste qui crée une rupture entre l’homme et le cosmos. Max Weber dit que le monde devient « désenchanté ». Ilya Prigogine appelle à nouer une « nouvelle alliance » entre l’homme et le monde . Il ne s’agit surtout pas pour lui à abandonner la rationalité scientifique mais de voir dans les nouvelles théories le moyen de surmonter cette rupture.

Dans la suite du livre la « Gnose de Princeton » de  Raymond Ruyer, il y eut des rencontres organisées par France-Culture à Cordoue (1979), Tsukuba (1984) et Venise (1986). Des groupes de scientifiques y appellèrent à renouer le lien entre la science et la pensée humaine — philosophie, culture et spiritualité.

Cazenave, dans « Science et Conscience » (Colloque de Cordoue) dit que les découvertes de la physique quantique met en évidence une « conscience-énergie fondamentale, dont les phénomènes physiques, physiologiques, psychiques et inconscients seraient les différents modes de manifestation. Pour les mêmes raisons le physicien américain Fritjof Capra propose de  réviser nos systèmes de valeur car pour la mécanique quantique, la séparation cartésienne entre l’esprit et la matière, entre le moi et le monde, n’a plus lieu d’être. Amit Goswami, professeur à la retraite du Département de Physique Théorique de l’Université d’Oregon cherche lui à fixer les bases d’une science de la conscience.

Grands axes de changement

François Euvé  (dans Études 2001/1) trouve possible de dégager quatre grandes caractéristiques de ces changements :

Unité. 

L’esprit classique, depuis Aristote et Descartes, sépare, distingue, délimite. Maintenant tous les plus grands scientifiques usent de méthode systémique, avec une vision globale, holistique. Cela remet d’ailleurs en causes des dogmes religieux, comme quoi l’humain serait extérieur à la nature, qu’un Dieu transcenderait sa création. L’esprit contemporain est au contraire sensible aux liaisons. La science quantique montre que les particules sont en « interconnexions » (intrication). Les couples sur lesquels reposait la vision traditionnelle du monde sont abolis : il n’y a plus la matière et le vide, la masse et l’énergie, l’espace et le temps, les particules et les champs, comme autant d’entités exclusives l’une de l’autre. 

Circularité. 

La non-séparabilité des composantes du monde fait que la figure la plus adéquate pour exprimer le mouvement fondamental est le cercle. Le rapport au temps se trouve donc aboli : passé, présent et futur sont résorbés en un seul instant présent, « infini, éternel, et cependant dynamique. 

Théorie du tout

La tendance actuelle est une intégration globale, holistique  qui permet de faire l’hypothèse d’un principe organisateur au cosmos, intelligence créatrice impersonnelle sans idée de commencement tout en se libérant d’une image d’un Dieu législateur, transcendant au monde. L’homme y est en parfaite symbiose avec un univers dont il est issu. 

Immanence

Hawking cherchait une « théorie du tout », une équation universelle, reflet de la « pensée de Dieu ».

L’homme perçoit de l’intérieur le fonctionnement du monde comme une « sagesse » cosmique. Plutôt que le bruit et la fureur de l’Histoire, la science fait entendre la « mélodie secrète » du Cosmos. Einstein, qui se reconnaissait comme esprit « profondément religieux », a su exprimer sa « religion cosmique » dans son livre « Comment je vois le monde » : La science permet de s’élever bien au-dessus de la médiocrité des sociétés humaines et de ressentir une joie profonde, un « émerveillement devant la beauté et la majesté du monde ». 

Conscience cosmique

Le salut ne viendrait plus ni d’une foi, ni d’une connaissance, mais d’une vision, d’une illumination dans la plénitude de l’instant présent. 

Quantique et spiritualité

Il ne s’agit pas de dire que science et spiritualité sont identiques mais ce qu’on peut constater c’est que nous sommes passés au cours du siècle dernier d’une science physique matérialiste à une science quantique qui cherche à cerner ce qui ne se voit pas, ce qui ne peut pas être mesuré et l’indéterminisme inscrit dans les particules qui forment notre réalité. Avec cette approche nous pouvons voir que les atomes n’ont pas de structure physique mais sont faits d’énergie invisible et non de réalité tangible. 

La physique quantique nous démontre qu’au-delà du tangible et du matériel, il y a de l’énergie. Cette énergie est porteuse d’information. Cette information crée la forme, le tangible. Lors d’expériences de physique quantique nous voyons que le comportement des particules change en fonction de ce que l’observateur fait. Lorsqu’un observateur regarde, un type d’onde apparaît; quand il ne fait rien, il n’y a pas de changement. 

Cette idée, selon laquelle nous serions de l’énergie, peut être un des liens tissé entre physique quantique et spiritualité. La physique quantique nous amène à voir ce domaine des sciences au delà du matérialisme, à partir d’un autre prisme qui peut être n’interdit plus la vision philosophique et spirituelle.

Frédéric Baylot

Sources :

    • Science et mystique après la modernité, Un paradigme enchanté ?, François Euvé, Dans Études 2001/1  

    •  Heading 

    • Conférence Teilhard de Chardin : « une vision spirituelle de l’univers » par Michel Armengaud (Perpignan, novembre 2021)

    • Philippe Guillemant

    • Les fabuleux pouvoirs de l'effet placebo - Guérison et auto-guérison, Mireille Rosselet-Capt, Éditions Jouvence

    • Philosophie magazine