Accueil > Blog > Culture, médias > Hep Taxi (11)

Hep Taxi (11)


HEP TAXI!

Le temps du confinement nous impose une clôture spatiale et nous laisse du temps pour cheminer avec cette fée du logis qui est l'imagination. Mais que diriez vous d'un voyage à l'aventure à travers une histoire. Si vous êtes partants, un taxi vous attend devant chez vous. Bon voyage!

Hep   Taxi -11-

Philippe n'était pas surpris de la montée d'adrénaline qui avait rosi les joues de Flore.

Maintes fois elle lui avait interprété le discours de Victor Hugo à l'Assemblée Nationale Législative, avec des effets de manche:« Je ne suis pas de ceux qui croient qu'on peut supprimer la souffrance en ce monde; la souffrance est une loi divine; mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu'on peut détruire la misère....Je dis détruire.» Elle le pensait si fort que ses poings se serraient lors de sa plaidoirie. Philippe se souvenait même de sa démonstration qui mettait en accusation  les responsables du système social. De ce qu'il avait compris, sous le contrôle de Lacan, elle démontait le cogito cartésien  en ces termes:« tu sais, le JE du je pense, qui donne bonne conscience, n'est pas tout à fait le même du JE, de je suis ….et plus éloigné encore du JE de je fais!» Philippe attendait avec gourmandise la touche finale de l'avocat de l'accusation. Elle ne tarda pas.

    • Notre bonheur, mon chéri, ne devra jamais nous faire oublier qu'il faut le partager. A quoi ça sert de dire que chacun doit vivre libre si on ne donne pas à cette liberté la possibilité de vivre?

    • Tu ne ris plus, ma chérie, glisse Philippe pour détendre l'atmosphère.

    • C'est vrai!Tu as raison! répliqua Flore, mais c'est peut-être bien comme cela. Il ne faut pas que le rire en profite pour détourner l'attention. Pour amadouer l'intolérable. Ou dompter l'esprit de révolte. Lui aussi doit accepter cette énergie renouvelable au service de la rébellion. Si la dérision se met au service du dérisoire....alors le rire n'est plus le propre de l'homme.

 En tournant à l'angle de la rue, un rayon de soleil vint les accueillir. Le visage de Flore s'était détendu et renvoyait à nouveau un sourire rayonnant. Au bout du pâté de maison, les bouquinistes étaient en train de soulever les toiles de protection en plastique encore trempées. Ils replaçaient bien en vue les caisses de livres sur des supports inclinés, et invitaient les passants à un arrêt lecture.

 Flore avait ses habitudes. Elle s'achemina vers un grand bonhomme dégingandé, une casquette vissée sur la tête, qui, d'un grand sourire lui souhaita la bienvenue.

    • Que cherchez vous aujourd'hui? questionna-t-il.

    • Je suis à la recherche d'écrits de femmes.

    • Françaises?

    • Pas spécialement!  Mais j'aimerais bien découvrir les textes de Morrisson, Toni Morrisson.

    • L'américaine? 

    • Oui, le prix Nobel de littérature des années 90.

    • 93! si ma mémoire est bonne! précise le bouquiniste, fier de sa culture. Son dernier bouquin s'appelle «Un Don», je crois, ajoute-t-il, plus fier encore....mais je crois que je ne l'ai plus! Alors j'ai du Laurence Tardieu, mais c'est plus délicat, plus gracieux, et c'est français ou sinon, puisant dans sa mémoire, Magda Szabo, la romancière hongroise, prix Fémina étranger 2003.

    • Je ne tiens pas forcément à un prix, une distinction; ce qui m'importe, c'est le vagabondage érudit. Un livre qui m'emporte, qui m'augmente. L'évasion, quoi!  

À SUIVRE....

(LIRE TOUS LES ÉPISODES ICI)

JACKY ARLETTAZ