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Hep Taxi (12)


HEP TAXI!

Le temps du confinement nous impose une clôture spatiale et nous laisse du temps pour cheminer avec cette fée du logis qui est l'imagination. Mais que diriez vous d'un voyage à l'aventure à travers une histoire. Si vous êtes partants, un taxi vous attend devant chez vous. Bon voyage!

Hep   Taxi -12-

 Pendant que le mot évasion était pris en otage par les deux interlocuteurs, faisant l'objet d'un débat serré, Philippe déambulait le long du quai, butinant par endroit, frôlant les couvertures des bouquins d'un index indécis. Par moment son attention partait du côté de la Seine. Il aimait regarder les chalands qui déchirent sans bruit la surface de l'eau, remplis jusqu'à la gorge de provisions. Ces longs étuis trop lourds pour voler, trop longs pour courir, qui glissent en rampant sur ce large tapis vert, l'ont toujours fasciné....et que dire de l'Homme aussi, qui depuis Jésus, ne rêve que de marcher sur l'eau! Sur l'autre berge, en lettres festonnées par le temps, subsistent des graffiti, souvenirs de Mai 68. 

 Flore étant toujours en grande discussion, il entreprit d'en faire lecture posément en essayant de les recontextualiser. « Ceux qui rêvent sans agir, cultivent le cauchemar» ou « je ne veux pas perdre ma vie à la gagner» ou encore « soyez réaliste demandez l'impossible»  ne lui étaient pas inconnus.  C'est celui tagué avec des illustrations en couleur qui attira son attention et le laissa un moment songeur: « Quand une société détruit toutes les aventures, la seule aventure qui reste, consiste ...à la détruire!». Tiens, se dit-il, en souriant, cela fera l'objet d'une grande discussion avec Flore, le soir où le programme télé nous laissera sur notre faim. 

 C'est un petit dernier, coincé sous la voûte d'un pont «cours camarade, le vieux monde est derrière toi», qui lui donna l'idée d'en inventer, pour le plaisir de l'instant. Pourquoi pas,....« Je suis pour Marx, tendance Groucho» ….ou, « Attention, les oreilles ont des murs»  pour signifier l'entêtement de certains, ou encore « Enragez vous», pour secouer les foules, « le pouvoir prend l'imagination!» pour le formatage inconscient de la pensée, ou mieux « C'est parce qu'on pense... qu'on ne vous suit pas!»  

Celui-là, c'était pour son côté rebelle, cette boulimie de la vie qui lui avait fait abandonner ses études d'architecture à Lyon, au bout de cinq années de résultats honorables. Mais c'était dans une autre vie, pensa-t-il, sans l'ombre d'un regret.


Le printemps se rappela à son attention, et pour justifier sa réputation, sans doute, a fini par avoir raison de leur escapade. Après avoir invité sa fanfare d'orage, riche en percussion, une semonce de tonnerre annonça une pluie fine mais tenace, qui se mit à rayer l'air, à trouer la surface de l'eau, en une multitude de petits geysers. 

«Vite!»cria Philippe, en direction de Flore, il faut se dépêcher!»

 Il reposa précipitamment le livre qu'il avait négligemment gardé dans sa main, glissa quelques mots dans l'oreille du bouquiniste en passant qui acquiesça d'un hochement de tête, prit Flore par l'épaule pour une  course échevelée à travers les ruelles.

Elle avait du mal à le suivre, ses achats sous le bras; il en profitait pour prendre de l'avance, se cacher dans les encoignures de porte et bondir, tel un beau diable au moment stratégique. Flore riait comme une folle, d'un rire franc comme du cristal.

 Tard dans la nuit, ils riaient encore de leurs jeux d'adolescents, avant d'ouvrir leurs corps à leurs désirs partagés. Sans urgence. Longuement. Dans la pénombre de leur petite chambre, ils s'appliquèrent à écrire leur histoire d'amour sur une musique de  plaisirs avoués.


À SUIVRE....

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JACKY ARLETTAZ