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Hep Taxi (14)


HEP TAXI!

Le temps du confinement nous impose une clôture spatiale et nous laisse du temps pour cheminer avec cette fée du logis qui est l'imagination. Mais que diriez vous d'un voyage à l'aventure à travers une histoire. Si vous êtes partants, un taxi vous attend devant chez vous. Bon voyage!

Hep   Taxi -14-

Philippe consulta discrètement sa montre. Il avait encore un peu de temps avant de rejoindre la tête de la station de taxi qu'il inaugurait ce matin. Sa curiosité mise en éveil, il voulut poursuivre ce qui devenait un interrogatoire, mais un client inattendu vint rompre la conversation.  Philippe patienta, puis partit à regret à son travail.

  Pendant ce temps, la lumière du jour avait réussi à se frayer un passage à travers les persiennes, et faisait danser au dessus de la tête de Flore des ombres venues de nulle part. Elle s'éveillait volontairement doucement: elle n'arrivait pas à se séparer des rêves qui l'avaient accompagnée cette merveilleuse nuit. Et elle s'enivrait des parfums poivrés qui exhalaient du lit tiède et tire-bouchonné, souvenir des ébats amoureux. Tout lui rappelait Philippe.

 Elle décida de prendre le temps, luxe suprême, de penser à elle, à eux: elle s'étira sur le lit, et laissa son esprit cheminer, lui renvoyant ce qu'elle ressentait et qu'elle n'avait pas encore pris soin, par manque de temps, d'analyser.

 Dix ans d'âge les séparait, et elle s'étonnait toujours que Philippe joue encore avec elle à des jeux d'enfants qui ne veulent pas grandir, avec un plaisir non dissimulé.Son pouvoir inventif n'était jamais pris en défaut. Il lui avait fait redécouvrir le jeu de la marelle différemment, et ce trajet où l'on risque de se perdre de l'Enfer jusqu'au ciel....le jeu de l'Oye et ses quatorze cases spéciales qui correspondent au nombre de jeunes sacrifiés au Minotaure et aussi à l'âge de l'adolescence chez les Grecs, et tous ces jeux simulacres de la guerre.

 Il était son livre le plus précieux, car il portait en lui, plein d'histoires, celles d'autres vies, mais que la plus belle était celle qu'ils étaient en train d'écrire ensemble: la dernière pour lui, il le lui a promis, et la première pour elle. Flore se persuadait, sans mal que c'était aussi sa dernière: l'amour ne s'en va pas tout seul, pensait-elle... faut-il encore qu'on le chasse. Et elle ne se voyait pas le congédier après de bons et loyaux services. 

 En pensant à Hitchcock, elle se voyait perpétuellement «l'Amour aux trousses» éprouvant ce désir tenace de vivre en couple, plus fort que la peur du couple. C'est une aventure dont elle n'avait pas envie de se priver, même si elle prive d'autres aventures.

 L'amour n'est pas non plus un lieu où l'on se perd...plutôt un lieu d'où l'on sort, perdu. Et ça c'est une chance, un cadeau inestimable.

 Quant à l'imprévisibilité de son compagnon, cela l'enchante tous les jours, et elle n'entrevoit pas le moment où elle le devinera. A vouloir gagner en intelligence, pour mieux comprendre l'autre, on y perd en mystère. Flore ne souhaitait pas troquer ce désir qui l'étreint contre une lucidité qui éteint. De toute façon, elle héberge en elle tant d'intensités, de feux follets qu'elle ne maîtrise pas. Elle adore cette turbulence qui l'inquiète et la rassure: celle qui met son amoureux à distance pour avoir le loisir de s'en rapprocher. C'est pour le porter avec elle, qu'elle ne s'encombre pas de sa présence, pensa-t-elle. Sinon, la vie n'en serait que quotidienne, tellement quotidienne! L'aventure qui fait un pied de nez à la raison, est le sel de la vie, ce qui fait notre histoire, ce qui fabrique les souvenirs, qui permet d'aller... où on ne vous attend pas!

À SUIVRE....

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JACKY ARLETTAZ