Le temps du confinement nous impose une clôture spatiale et nous laisse du temps pour cheminer avec cette fée du logis qui est l'imagination. Mais que diriez vous d'un voyage à l'aventure à travers une histoire. Si vous êtes partants, un taxi vous attend devant chez vous. Bon voyage!
Dépitée, Flore lâche enfin:« il n'y a finalement que la déclaration d'impôt, qui est toujours d'actualité!»
• Peut-être parce qu'elle est indispensable, se risque timidement Philippe!
• Mais enfin ce n'est pas comparable! L'une dit ce que l'on a reçu, l'autre ce que l'on a à donner; l'une nous parle froidement de ce que l'on a touché quand l'autre envisage ce que l'on voudrait caresser; l'une dépouille....quand l'autre enrichit, s'enflamme Flore en martelant ses phrases de la main.
Puis songeuse, elle se rapproche de Philippe et se colle contre lui:«L'amour Philippe, avec un grand A , c'est ce fleuve qui ne coule pas qu'en Asie; il coule aussi dans nos veines....c'est cette douce musique qui fait chanter les mots, c'est le lexique du cœur, et la déclaration n'en est que son porte parole lui murmure-t-elle à l'oreille! Un être amoureux est un sculpteur de rêves, mais les jeunes ne le savent pas, dit elle en soupirant. Ils ont des regards débordants de désir sans paroles, ou des paroles débordantes de désir sans regard à travers internet.
Quel gâchis! Tu es bien placé pour le savoir, non?
Philippe écarte Flore par la taille, et lui sourit.
«Pas forcément! dit-il posément. Dans mon taxi, j'embarque rarement des ados....ou alors ils sont accompagnés. Mais c'est vrai que j'ai assisté à d'innombrables histoires d'amour. J'en ai aimé les départs, faits de rapprochements stratégiques, de mains qui se cherchent, de silences pesants, de sourires complices, de frôlements artistiques. Certains couples, j'en suis sûr, n'élisent domicile dans mon taxi que pour faire un brin de route ensemble. J'en ai aussi perçu les brisures, tressailli durant les scènes qui déchirent. J'ai vu des amours qui s'effilochent au fil de la course.... des portes qui claquent et même des claques qui portent. Mais l'amour....n'est-il pas fait que de ha sard, de chemins et de sentiers dont quelques uns seulement sont empruntés ?
C'est un peu comme on hèle un taxi continue-t-il, fier de sa tirade, un parmi tant d'autres, pour une invitation au voyage.
Flore souriait intérieurement. Elle aimait quand Philippe prenait ses grands airs sérieux et la nourrissait de sa voix chaleureuse et réconfortante. Elle prit une grosse bouffée d'air, satisfaite et alla s'installer à son bureau.
Le stylo rouge à la main elle commença à griffonner quelques appréciations sur une copie ouverte devant elle.
Son attitude surprit Philippe. Flore, n'abandonnait jamais les conversations: la joute verbale était pour elle comme un combat; non pas contre son interlocuteur, mais contre elle-même. Elle se plaisait à confectionner les idées, à les retoucher, à les ajuster pour mieux les revêtir. Question d'hygiène intellectuelle disait-elle. Et, là, pourtant....
Philippe comprit que le thème de la déclaration d'amour l'avait peut-être secouée; les soubresauts passionnels qui venaient de la remuer avaient trouvé résonance dans leur histoire de couple.
À SUIVRE....