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Hep Taxi (5)


HEP TAXI!

Le temps du confinement nous impose une clôture spatiale et nous laisse du temps pour cheminer avec cette fée du logis qui est l'imagination. Mais que diriez vous d'un voyage à l'aventure à travers une histoire. Si vous êtes partants, un taxi vous attend devant chez vous. Bon voyage!


Hep Taxi ! - 5 -

Il n'y eut que la soirée de jeudi qui les réunit. Après d'innombrables aller retour Champs Elysées- Deauville, Philippe décida de souffler un peu. Flore, elle, voulait en terminer avec sa classe de terminale L: les lectures des interminables ou inter-minables copies comme elle s'amusait à les appeler,  l'épuisaient .    Débarrassé de sa sacoche qu'il tenait en bandoulière, de son manteau trop lourd aux poches avachies, Philippe confectionna deux énormes sandwiches au fromage de chèvre parfumé aux feuilles de menthe, et posa le tout sur un plateau repas qu'il amena à sa compagne: bien sûr, il n'avait pas oublié le verre de lait, rempli à ras bord, qu'elle aimait siroter à petites gorgées les longues soirées de travail. C'était déjà son compagnon lors des nuits blanches quand elle  préparait ses concours. 

 «Voilà, ma chérie» murmura-t-il, en prenant soin d'éloigner le plateau des copies, et de le placer sur le coin de la table pour ne pas la gêner. Flore le gratifia d'un grand sourire et d'un baiser furtif sur la joue qu'il lui vola en relevant la tête. Puis, telle un nageur sur un plongeoir, elle piqua une tête dans ses copies. 


 Philippe réalisa qu'il allait passer une soirée tranquille. Comme il devait observer un silence absolu, qu'il n'y avait pas de rencontre sportive à la télévision, il s'isola dans un coin douillet. Son regard commença à balayer la pièce, en quête d'occupation, et il remarqua un livre que l'on avait mis en quarantaine. Apparemment il coulait des jours paisibles sur le réfrigérateur . On ne sait si c'était le froid mais il était enveloppé à la taille d'une écharpe rouge beaucoup trop grande. Philippe crut reconnaître le livre que Flore avait agité nerveusement devant lui, l'autre jour. Faisant mine d'avoir oublié quelque chose d'indispensable à la cuisine, il se leva d'un bond, sans un mot rafla le livre au passage et revint se caler contre l'accoudoir du vieux canapé, le dos appuyé à des coussins épuisés, informes. Il pivota légèrement, captura un rayon de lumière et chercha une position confortable pour commencer la lecture. 

 La pièce n'était éclairée  que par le croisement d'une lampe halogène qui surplombait le bureau de Flore et la lumière tamisée de la rue qui se faufilait difficilement un passage à travers le voile échancré des rideaux.

 Philippe prit le livre qui n'opposa aucune résistance, bâillant même aux endroits marqués d'un post-it. Philippe ria intérieurement, tant ces marque pages le faisaient ressembler à une crête d'iroquois confectionné par un coiffeur attentionné, soucieux d'égaliser les épis rebelles. 

 Philippe du coin de  l'oeil vérifia que Flore ne le voyait pas. Imperturbable, elle restait concentrée, secouant par instant la tête de désespoir ou de désapprobation. Elle faisait couler ses cheveux sur ses tempes comme deux fleuves impétueux, et quelquefois les mordillait d'ennui, ou de fatigue.


À SUIVRE....


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JACKY ARLETTAZ