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Hep Taxi (6)


HEP TAXI!

Le temps du confinement nous impose une clôture spatiale et nous laisse du temps pour cheminer avec cette fée du logis qui est l'imagination. Mais que diriez vous d'un voyage à l'aventure à travers une histoire. Si vous êtes partants, un taxi vous attend devant chez vous. Bon voyage!

Hep   Taxi -6-

Impatient et curieux, Philippe commença à déchiffrer, non sans difficulté, ce qui était écrit sur les post its. Quelle ne fut pas sa surprise de ne trouver que des..  bof!, des ah!, des oh!... sans autre explication. Pour en comprendre la signification, il entreprit la lecture des pages ornées de ces signes distinctifs. Surtout que Flore n'avait toujours pas bougé. Seule l'ombre tremblante de ses cils sur les joues lui donnait vie.


 Le bof! de la première halte, écrit avec désinvolture, ne le surprit pas. L'auteur décrivait le héros, Anton, comme un être surdimensionné, trop parfait physiquement pour que Flore lui prête une attention particulière. Ne lui serinait-elle pas constamment, qu'elle préférait les marques de la vie, aux visages lisses des bellâtres sans histoire et sans relief? «C'est dans les sillons des rides que coule notre quotidien» lui disait-elle, en caressant les plissures, qui se disputaient le coin de ses  yeux. 

 Le oh! qui suivit, non plus. La scène d'amour particulièrement crue qui était détaillée en haut de la page, détonnait avec la poésie de l'approche. Philippe pensait cette fois à la pudeur de sa compagne qui était d'une intransigeance sans retenue....elle lui avait tant de fois répété que l'amour devait rimer avec velours et fesse avec délicatesse.

 

 Philippe sautait allègrement des pages, faisant des sauts de puce, revenait en arrière de peur d'avoir oublié une étape: seuls les avis concis mais finalement implicites écrits par Flore étaient importants! 

  Petit à petit il se rendait compte que le livre n'était qu'un prétexte: seulement, surprendre les pensées intimes que sa compagne entretenait avec les personnages, avec les situations, voire même avec l'auteur, le motivait. Le déroulé de l'histoire ne lui était plus d'aucun intérêt! Il réalisait qu'il entrait par effraction dans son univers, sans en avoir à forcer le verrou, et sans qu'elle ne s'en aperçoive. Cette situation le fit frémir de plaisir et en même temps le mit mal à l'aise. Flore, si secrète, dans ses révélations l'accepterait-elle?

 Il eut envie de se tourner vers elle, et il ne put à nouveau, s'empêcher de l'admirer. Sous la lampe de son bureau, elle semblait donner de la lumière plutôt que d'en recevoir. Son visage se projetait sur le mur de la pièce, en ombre chinoise, et son regard s'amusait à en dessiner les contours parfaits. Toutefois elle commençait à s'agiter, étirant ses longs bras pour se décontracter. Mais ce fut de courte durée. Insatiable, elle but une longue gorgée de lait, et tête en avant, elle replongea dans un autre paquet de copies.  

 Rassuré, Philippe pouvait en toute impunité continuer à surprendre ce qu'il ignorait encore de sa compagne. Somme toute, pensa-t-il, cela ne faisait que quelques mois qu'ils habitaient ensemble. Et rares étaient les moments qu'ils partageaient vraiment à deux. Certes le travail les dévorait, mais il y avait aussi le temps confisqué par les visites de leurs nombreux amis. Et paradoxalement, l'accueil étant tellement festif et chaleureux qu'ils venaient souvent leur rappeler de profiter de leur lune de miel, laissant nos deux tourtereaux frustrés et épuisés.  


À SUIVRE....

(lire tous les épisodes ICI)

JACKY ARLETTAZ