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Hep Taxi (8)


HEP TAXI!

Le temps du confinement nous impose une clôture spatiale et nous laisse du temps pour cheminer avec cette fée du logis qui est l'imagination. Mais que diriez vous d'un voyage à l'aventure à travers une histoire. Si vous êtes partants, un taxi vous attend devant chez vous. Bon voyage!

Hep   Taxi -8-

 Certes, pour être clair, c'était clair.... c'était même rassurant et touchant. Mais ne donnait aucune piste à sa recherche. Pourquoi m'a-t-elle parlé de ce foutu bouquin? 

Et pourquoi ce  HUMM ! de gourmandise à cet endroit? 

 Philippe entreprit de lire les pages précédentes et celles qui suivaient la page marquée. Rien ne vint le renseigner davantage. Il dut se résoudre à imaginer plusieurs hypothèses.

 Etait-ce parce que le héros a une existence singulière, pleine de mystères? Pleine de silences? Pleine d'épreuves? Parce qu'il met sa vie en danger pour servir de nobles causes? Peut-être !

Et si c'était du côté de Sabine qu'il fallait chercher? Ne serait ce pas le secret espoir d'abriter dans son corps une vie dont elle sera enfin l'auteure? Une vie dont elle pourrait à son tour écrire les péripéties, celles d'un personnage qu'elle aurait choisi. Elle pourrait enfin noircir les pages blanches d'un roman, en lettres majuscules.

 Et si, tout simplement, il n'y avait pas de Si!....finit par conclure Philippe lassé par cette quête mystérieuse. Il referma le livre, effleura du regard le nom de l'auteur, alla le reposer à la place exacte qu'il occupait auparavant; elle lui était d'ailleurs  réservée, tracée sur le réfrigérateur recouvert de poussière, puis il sortit sur le balcon.

Flore n'avait toujours pas bougé.

           La nuit avait fleuri de lumières colorées, et l'avenue face à lui avait fini d'avaler dans sa gueule noire, tout le trafic incessant. Les lampadaires s'inclinaient vers le sol, et reprenant possession de la chaussée, se lançaient des éclairs de lumière qui ricochaient sur l'asphalte luisant. Au passage, ils éclaboussaient les moindres recoins des porches d'immeubles rangés en enfilade. 

  Philippe posa ses mains sur le balcon en fer forgé. Bousculé par une foule de pensées qui s'entrechoquaient, il leva la tête vers les rares étoiles qui faisaient le guet et se mit à repenser à Flore; à son besoin de conquérir, de faire vivre ses fantaisies loin des vanités de ce monde. Elle cherchait constamment à se libérer de ses propres limites, à se guérir de la prétention du pouvoir et de la possession masculines. C'était ça son secret. Ou tout simplement celui de la Femme moderne. Et puis, non!....Flore aimait l'errance, l'exil était son pays, et même plus périlleux et plus douloureux encore: l'arrachement à soi. Une enseignante avait sûrement besoin de faire aussi l'école buissonnière....pour mieux en apprécier l'autre.

 Et que penserait-elle d'une déclaration d'amour comme celle choisie par Rostand? Elle n'aurait sûrement pas apprécié les mots, fussent-ils beaux, lancés depuis l'ombre, sans visage, sans rencontre. Plus que cette douce musique effilée, coupante comme une arme blanche qui vous transperce le cœur, elle aurait sans doute préféré ce courage qui  montre au grand jour, ses faiblesses, à Roxane. Philippe, en tout cas s'en persuada.  Il était temps d'aller se coucher, avant d'aborder une prochaine journée qui s'annonçait harassante, et aller l'amener lui aussi loin des sentiers battus.

 C'est bien plus tard dans la nuit que, tout engourdi par le sommeil, il sentit le corps de Flore souple et fiévreux se serrer contre lui et lui glisser à l'oreille:« Bonsoir. Continue de rêver de moi...» et dans un dernier murmure de satisfaction « n'oublie pas que la femme descend du songe, mon amour». 

À SUIVRE....

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JACKY ARLETTAZ