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Le souffle du passé -14- (Feuilleton)


Le souffle du passé                              14


 La balade nocturne en charmante compagnie, le repas festif qui finit par une discussion impromptue, la douceur d'une nuit qui s'allonge dans le ciel, transportèrent Julien dans son passé d'adolescent. Dans son sommeil, il revit ses retrouvailles avec Jeannette au fond d'une ruelle, sous la lumière bienveillante d'un vieux lampadaire pour faire un point. C'est lui qui le premier, commença, hésitant, à prendre la parole. «Je suis finalement reçu au concours et vais devoir faire mes études à Montpellier, lui asséna-t-il, sans ménagement, mais avec une crainte certaine.» 

 A' sa grande surprise, Jeannette ne parut pas décontenancée, comme il le craignait. Au contraire elle se serra contre lui, en le félicitant et l'embrassa langoureusement. 

 Puis elle lui répondit posément:« je me doutais que tu serais reçu... mais cela fait quelques jours que ma mère, prétextant qu'elle ne pouvait plus s'occuper de moi,  a décidé de me placer dans un internat du côté de Mazamet. Je savais qu'on allait être séparés. Je n'ai pas voulu t'en parler, mais ça fait une semaine que je ne dors pas. Cela va être dur, pour moi de ne plus te voir, tous les jours..»

 Julien comprit alors, pourquoi il trouvait que Jeannette avait changé: elle était moins enthousiaste, passait de longs moments, perdue dans ses pensées, et restait souvent la tête sur son épaule, sans un mot. Julien se remémora les mots de Cyrano qu'ils avaient appris par coeur: «C'est dans un baiser toute l'âme qu'on frôle, et rien ne sait le poids d'un front comme une épaule». 

« L'amour, c'est l'un qui souffre et l'autre qui regarde, et je fus toujours l'autre, et cela, je le garde» semblait-elle interroger. dans ses silences. Elle en attendait une réponse. Elle ne se fit pas attendre: «C'est la nuit qu'il est beau, de croire à la lumière, et ma lumière...c'est toi, uniquement toi.» lui répondit-il, faisant allusion aux devoirs sur E.Rostand, qu'ils avaient écrits ensemble. 


 Décidément, le verbe partir s'avérait plus difficile à conjuguer que le verbe rester, pensa Julien. Mais il n'oubliait pas qu'il fallait passer à l'action, sortir son village de la torpeur qui le paralysait. Faire preuve d'imagination, cette petite flamme qui avait éclairé la case éthiopienne dont avait parlé Louis. L'important n'était pas de tout réussir, mais d'échapper au rien. Un désir d'adolescent. De bousculer l'histoire. La meilleure façon de réaliser ses rêves, avait-il lu dans un livre de  Paul Valéry...est de se réveiller. Vivre.... devait être autre chose que vieillir,

 C'est à partir de ce moment-là, sous la houlette de Jeannette et Julien que toute la bande donna un souffle nouveau au village, en faisant preuve d'imagination. Les élus municipaux virent d'un bon œil, les initiatives proposées: la course aquatique sur le Canal du Midi, du pont de pierres jusqu'aux épanchoirs, le bal des mixités avec des personnes d'âges différents, le concours des quartiers qui devait opposer pétanqueurs, footballeurs, chars fleuris, le karaoké en trio, le plus beau costume pour les enfants de moins de six ans, le meilleur plat cuisiné, testé par des restaurateurs qualifiés, la réunion de musiciens pour former un ensemble musical qui se produirait tous les samedis soirs sur la grand place...Ils n'étaient pas en panne d'idées, à tel point qu'il avait fallu créer un conseil de réflexion au sein de la bande, puis passer au vote pour ne pas s'éparpiller. 

 Trois longues années de lycée plus tard ils se retrouveront pour fêter leur bac.

À SUIVRE...


JACKY ARLETTAZ