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Le souffle du passé -17- (Feuilleton)


Le souffle du passé                                  17


 L'endroit avait été minutieusement choisi : cachés dans le feuillu des vignes, toute la bande pourrait observer la situation sans être vue.

 Le jeu consistait à poser au milieu de la route, un carton haut et solide - ancien emballage d'un réfrigérateur - dans lequel on avait suspendu une torche. Les ouïes découpées dans l'habitacle laissaient passer une lumière crue et bizarre qui lui donnait l'allure d'un martien. Il suffisait de tirer doucement sur une corde pour l'animer...et attendre « le client » du soir… Pendant les longues attentes, nos joyeux compères faisaient un match de foot sur la route... jusqu'à l'alerte donnée par Eric qui était chargé de la surveillance.

 « Voiture ! » cria -t-il subitement. Effectivement, deux phares distincts se profilèrent à l'horizon. Tout le monde regagna son poste en un éclair. Certains, planqués dans les cyprès qui bordent le stade, les autres allongés dans la vigne, prêts à intervenir.

 La voiture roulait doucement au vu du temps qu'elle mit pour arriver jusqu'à eux.

André en plaisantant lança : « ça c'est un papé, qui s'endort au volant ».

 Elle prit le virage au ralenti et vint se caler contre la marionnette illuminée. Il en sortit, contre toute attente, un gros bonhomme, fringant, qui s'avança vers « le martien » et s'esclaffa de rire en découvrant la supercherie. Avant de remonter dans la voiture, il lança à la cantonade : « Pas mal les gars, mais ce serait mieux si vous l'aviez peint en noir ». Sans précipitation, il repartit lentement en contournant l'obstacle.

 L'effet escompté n'avait pas fonctionné.

 Julien convoqua les membres de la bande et proposa de changer d'endroit. Pour que l'effet de surprise soit plus grand, il proposa de déplacer le « théâtre des opérations » plus près de la sortie du virage. Il éparpilla sa troupe dans des endroits stratégiques et rejoignit Jeannette en haut, dans la vigne. Une longue attente allait suivre. Peut-être une bonne heure.

 Jusqu'à ce qu' Eric, par un code défini, annonce l'arrivée d'une voiture à grande vitesse. Effectivement, on entendait au loin le vrombissement d'un bolide et l'on put suivre les deux phares fendre la nuit, en slalomant depuis l'embranchement. Le bruit du moteur arriva tout d'un coup, rond et sonore, à la sortie du tournant, suivi d'un crissement de pneus.

 Une voiture basse, apparemment, s'immobilisa à quelques mètres du carton.

 Les minutes qui suivirent furent palpitantes. Tous les regards convergeaient vers cette boule éclairée, plantée en plein milieu de la route...puis la voiture avança au pas, en hoquetant... jusqu'à se coller contre l'obstacle.

 Paul, impatient, mit en mouvement « le martien » qui, sous la traction de la corde se mit à trembler de façon désordonnée. Le monstre se balançait gaiement au prix de soubresauts incontrôlés, quand tout à coup, la porte du chauffeur s'ouvrit nerveusement et en sortit une frêle silhouette féminine qui avait l'air de tenir un ustensile à la main. Paul tira à nouveau sur la corde, lentement, semblant redonner  vie à la marionnette. Xavier, placé dans l'axe des phares chuchota, à Marc, pour qu'il transmette l'information « Faites gaffe... je crois qu'elle tient un revolver ! ». L'annonce inattendue fit bouger Xavier et Luc qui étaient cachés derrière les ceps de vigne et attira l'attention d'une jeune femme que l'on distinguait maintenant plus précisément. Elle était paniquée. Le bras tremblant, tendu vers l'avant, elle serrait obstinément un révolver. 

 Julien demanda à Marc de s'allonger, quand on entendit un hurlement d'effroi : « Qui êtes-vous ? Qu'est-ce que vous voulez ? » La voix avait déchiré les plis de la nuit en mille morceaux et se prolongeait en échos. Robert, impressionné, se releva en sursaut pour fuir vers l'arrière, quand Julien lui plongea dans ses jambes.


À SUIVRE...


JACKY ARLETTAZ