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Le souffle du passé -20- (Feuilleton)


Le souffle du passé                                   20


 Voyant Julie, les pommettes luisantes de sueur et le bout du nez rougi, Julien lui proposa d'aller boire un pot à l'ombre. Ils s'installèrent autour d'un guéridon, choisissant l'abri d'une pergola, et commandèrent deux rosés du coin, bien frais.

    • Bravo ! pour ta prestation. Claire, riche, avec des explications simples mais précises ! commenta Julien. Tu es à l'aise et on voit que cela te plaît.

    • Oui, c'est vrai ! s'enthousiasma Julie. Ce n'est pas qu'un revenu pour payer mes études, c'est aussi la possibilité de rencontrer des gens pour leur faire aimer un endroit qui me tient à cœur.

    • D'où vient cet attachement ?

    • C'est là que ma jeune mère venait pousser mon landau quand j'étais encore bébé. C'était pour respirer l'iode, disait-elle, en même temps qu'elle se ressourçait loin des tracas de la vie.

    • Ah bon ?

    • Oui, elle n'avait que dix- huit ans et il fallait qu'elle trouve un travail rapidement pour subvenir à nos besoins. Ma grand-mère lui avait fait comprendre qu'il ne fallait plus compter sur elle et donc qu'elle devait assumer ce qu'elle appelait ses bêtises... c'est à dire moi !

    • Et ton papa ? demanda timidement Julien, en espérant de ne pas être trop indiscret.

    • Connais pas ! répond évasivement Julie. C'est tabou à la maison. Je l'imagine plus que je ne le connais. J'ai pu voler quelques morceaux d'histoire par ci par là, vu dans les yeux de ma mère par moment, ce qui lui rappelait des souvenirs, pour faire une sorte de portrait-robot, mais....

    • Et il ressemblerait à quoi continua Julien, voyant que Julie n'était pas crispée sur le sujet.

    • Il serait plutôt brun, grand, plus grand que vous par exemple, des cheveux longs, au visage agréable, tendre et protecteur - tu parles ! ajouta-t-elle avec un sourire ironique- et ayant un certain charisme. Quelqu'un qui aimerait les responsabilités. Mais un homme, qu'elle a d'après moi, idéalisé. Il est peut-être maintenant chauve, le visage fripé ... dit-elle en s'esclaffant.

    •  Tu n'as pas eu de contact avec lui ?

    • Aucun. Ma mère me serine qu'elle a perdu sa trace et qu'il est inutile de lui courir après. Je ne sais pas si c'est pour entretenir une relation fusionnelle avec moi ou pour ne pas souffrir, de peur de le faire exister encore dans ses pensées.

    • Il te manque ? osa Julien.

    • Lui, non, je ne l'ai pas connu. Mais ce mystère me ronge et me désespère. J'ai l'impression de mener une vie remplie de trous, de lacunes, de zones d'ombre et je m'invente souvent un univers romanesque, dans lequel, bercée par une musique douce et nostalgique je découvrirais un homme, « Mon premier Homme » comme me soufflerait Camus. En fait celui de ma vie. Ne sachant pas qui il est... j'en arrive à ne pas savoir qui je suis !


À SUIVRE...


JACKY ARLETTAZ