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Le souffle du passé -21- (Feuilleton)


Le souffle du passé                            21


 Julie détourna la tête sur le côté, pour ne pas pleurer, puis avec un sourire lumineux qu'elle avait tout d'un coup reconstitué, demanda à Julien : et vous ? que faites- vous à Paris ?

    • Je suis président d'une grosse société et je passe mes journées à mener une équipe sur des projets de construction, de réhabilitation. Moi aussi je rêve... secrètement de me dépouiller de tout cet apparat qui m'encombre... de retrouver le sud... J'ai l'impression de mener deux vies parallèles.

    • Et votre femme qu'en pense-t-elle ? se hasarda Julie, un brin curieuse.

    • Je suis le plus souvent très entouré... mais en réalité, je suis seul. Pas de temps à consacrer à une famille, pas d'intimité à offrir à une compagne, et encore moins d'éducation à proposer à des enfants.

En montant à Paris il y a dix-huit ans, j'ai troqué ce que j'étais, casanier, un villageois attaché à ses racines, musicien attentif aux beaux textes et aux mélodies qui vous   bercent… contre un boléro de Ravel, lancinant, répétitif, pour finir par être emporté par une valse vertigineuse que Strauss n'aurait pas désavouée. C'est pour cela que je suis revenu sur des lieux qui me rappellent mon adolescence : des lieux où le temps s'est arrêté, où je peux sentir encore le parfum d'une nature qui s'étire au lever du jour, loin du tourbillon de la ville. Je recherche le souffle du passé, pour qu'il revienne encore me caresser le visage, un peu sculpté par le temps, finit-il, en la regardant dans les yeux.

    • Vous êtes un poète en somme. Et vos ailes de géant, vous empêchent de marcher, comme disait.......

    • Baudelaire, précise Julien. Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid ! tu pourrais ajouter, dit-il en s'esclaffant.

Julie avait retrouvé son entrain. Les rayons du soleil couchant, prisonniers des cristaux de sel signalaient leur présence en lançant des messages colorés : c'était une explosion de violet et de bleu qui jouaient sur la bande orangée tracée à l'horizon. Julien faisait remarquer à Julie que la nature n'était pas avare de sensations à donner, d'émotions à partager, à condition que l'on soit attentif.

    • Pour rien au monde, cet endroit magique ne doit être dénaturé, reprend Julie ; c'est le repaire d'oiseaux qui viennent nicher tout près, de plantes rares. Ce sel, c'est le fruit de la mer... et ce sont mes premiers émois !

    • Y aurait-il une menace ? demanda-t-il, en fronçant les sourcils.

    • Il paraît que les propriétaires, Les Salins du Midi, souhaiteraient vendre le site. Il y aura donc une mise en concurrence quant au rachat du lieu. Bien sûr, la commune est aux aguets, mais...

    • Aie confiance, Julie, dit-il d'un ton rassurant !

    • J'espère, conclut-elle, en surveillant l'heure.


Julien comprit qu'il était temps de terminer la discussion. Il sirota la fin de son verre, régla l'addition, et remercia encore Julie pour tout ce qu'il avait appris grâce au guide, dit-il en s'amusant… « En rentrant à la baraque, je vais pouvoir m'attarder en regardant toutes les plantes que tu as détaillées, et m'excuser de les avoir ignorées en venant ». Julie éclata de rire, en le saluant, et en enfourchant son vélo.

  

À SUIVRE...


JACKY ARLETTAZ