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Le souffle du passé -24- (Feuilleton)


Le souffle du passé                                24


 Julien ne décolérait pas. Il se mit à arpenter la terrasse dans toute sa longueur, frappant les lattes de bois avec ses pieds tout en ruminant son mécontentement.

 Ses collaborateurs, le croyant à Monte Carlo, ne se doutaient pas dans quelle situation cornélienne il se trouvait. Et pourtant, rapidement, il fallait bien qu'il prenne une décision.


 Il se remémorait les propos de Julie, l'éblouissement qu'il avait eu devant cet environnement de rêve, cette Nature qui l'avait accueilli, nue, sans ornements superficiels, sans parure clinquante. Et il ne se lassait toujours pas du spectacle qu'elle lui offrait. 

 C’est comme s’il avait découvert un Nouveau Monde. Un monde qui vivait là, tout   près, et coulait des jours heureux, sans bruit. Il suffisait de poser un regard sur lui, de lui montrer notre reconnaissance pour qu'il s'ouvre à vous, jusque dans ses entrailles. 


     Combien d'années suis-je passé à côté... à l'ignorer... lui préférant les paradis   artificiels, honteusement retouchés par la chirurgie esthétique des bâtisseurs, les endroits surfaits qui ne méritent, en souvenir, qu'une simple carte postale, ou les rendez-vous prisés par une société aisée, qui fleure bon l'argent gaspillé ? Les endroits qui vous persuadent que vous avez réussi, pensa-t-il.


 Julien décida de repousser sa réflexion à plus tard, car il était temps de réserver son billet de train. Mais décidément, ce n'était pas un bon jour pour prendre des initiatives : pas de place pour Paris, ce dimanche. Comment faire ? Après un temps d'arrêt, il décida de réserver au plus vite pour le lundi. Par chance, il restait une place, le lundi matin à la première heure. Devrais-je alerter Raymond, pour lui dire que je pars plus tard que prévu ? Enervé, et levant sa paume de main vers le haut il pensa qu'il s'en passerait. Trop compliqué à expliquer !


 Jusqu'au dimanche, seule une petite excursion au village pour faire quelques emplettes, l'éloigna de la plage. Il vivait hors du temps. Sans contrainte. A l'heure du soleil. Il profitait des sarments de vigne entreposés derrière la baraque pour faire griller ses aliments, et se gavait de fruits de saison qu'il retrouvait dans les paniers amenés par Xavier : des abricots juteux, des pêches fondantes, des brugnons à la chair blanche veloutée et surtout de beaux melons qu'il découpait de façon artistique.

  

 C'est en sortant de l'eau, le dimanche matin, qu'il vit un chien foncer sur lui, pour s'arrêter à ses pieds et appuyer ses pattes de devant contre sa cuisse. Il devina que Julie n'était pas loin. Il tourna la tête en direction du bunker. Mais c'est de la pinède qu'elle fit son apparition : elle resplendissait, dans son bikini rouge, une serviette en bandoulière, les cheveux tirés en queue de cheval, et un sourire qui faisait éclater ses dents blanches sur sa peau bronzée.

    • Bonjour, lui lança Julien, heureux d'avoir de la compagnie après les déboires qu'il accumulait.

    • Bonjour, je suis venue vous saluer avant votre départ.

    • C'est gentil ! dit-il satisfait. Vous ne travaillez pas ?

    • Non ! Pas ce matin. Vous avez vu ce ciel, comme il est beau ? Ce soir avec cette lumière, les salins vont être en feu ! jubila-t-elle ! Mais sans vous ! ajouta-t-elle attristée.

  

À SUIVRE...

JACKY ARLETTAZ