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Le souffle du passé -25- (Feuilleton)


Le souffle du passé                                  25


 Julien la rassura, en lui faisant un aveu : « j'ai filmé toute la visite sur mon i phone. Je ne promets pas que ce soit d'excellente qualité, mais c'est un super souvenir que j'emporte avec moi.

    • Julie, intéressée, lui demanda gentiment : « Vous pourrez me l'envoyer ?»

    • Bien sûr ! Mais comme je ne voulais pas te déranger, je suis resté noyé dans le groupe et sûrement que quelques têtes viendront gâcher les belles vues des salins.

    • C'est super. Surtout qu'elles vont devenir rares, ajouta Julie.

    • Pourquoi ?

    • Ce sont peut-être les dernières ! Ma mère est rentrée toute défaite, l'autre jour, me confirmant qu'elle avait appris par téléphone, que le site allait être racheté   et complètement dévoyé : un complexe hôtelier et des villas occuperaient toute la surface des salins.

Feignant l'étonnement, Julien tenta de rassurer Julie : « Tu sais, rien n'est encore fait,      sûrement . Les associations de sauvegarde du littoral ont leur mot à dire, et …»

« C'était un moment touchant, » continua Julie, comme si elle n'avait rien entendu des arguments avancés par Julien. Elle tourna la tête vers la mer et posément, se mit à laisser parler ses émotions, en fixant l'horizon. « Je n'avais jamais vu ma mère comme cela : elle était effondrée. Et pour la première fois, elle fit un saut dans son adolescence, pour me raconter, pour se raconter : ce futur chambardement lui rappelait la peine immense qu'elle avait eu, lorsque dans son village, on avait été obligé de couper les platanes, qui longeaient le canal, le long du chemin de halage, à cause du chancre coloré. Une maladie incurable. Mais… ce ne sont pas les platanes qui l'avaient mis dans un état de détresse, mais un, en particulier, sur lequel était gravé un cœur, avec ses initiales et celles de mon père... C'est à ses côtés qu'ils se retrouvaient, paraît-il… contre lui, qu’ils nourrissaient leurs rêves. C’était le témoin de leur idylle, son confident aussi. Elle a fini par ces mots, fataliste : c'était de mauvais augure ! »


 Julien, blême, ne put s'empêcher de regarder longuement Julie, qui était bloquée dans ses pensées. Ses dernières paroles résonnaient dans sa tête. Il avait du mal à contenir ses émotions. Pour ne pas laisser apparaître le moindre indice de désarroi, ou la moindre larme qui montait dans ses yeux, il se leva précipitamment et courut vers la mer, en hurlant : « A l’eau ! ». 

 Il plongea dans la première vague qui lui fit front, rageusement. Si seulement, le choc au contact de l'eau, avait pu emporter ce qu'il venait d'entendre. Sans maîtriser sa respiration, il nagea vers le large, le plus longtemps possible, jusqu'à épuisement. Quand il décida de s'arrêter, il se retourna et vit Julie, sur la plage, jouer avec son chien, un bâton à la main. Il la regarda longuement. Admiratif… Puis soucieux.


 Qu'allait-il lui dire ? Et tout d'abord, fallait-il lui dire ? Maintenant ? On n'annonce pas que l'on est le père de quelqu'un, comme cela, sur une plage, de façon désinvolte, à la personne concernée. Peut-être même, va-t-elle imaginer que je savais depuis notre première rencontre, qu'elle était ma fille ?... Une splendide fille, pensa-t-il. Il n'aurait, même dans les rêves les plus fous, pu imaginer un tel scénario.


À SUIVRE...


JACKY ARLETTAZ