À Khan Younès, dans la bande de Gaza, le récent bombardement israélien a coûté la vie à neuf des dix enfants d’un couple de médecins. Cet événement a provoqué une onde de choc à l’international et suscité de vives réactions émotionnelles, mais il invite aussi à une réflexion profonde sur la responsabilité morale dans les conflits armés.
L’éthique de la guerre, ou la morale du combat, vise à limiter la violence et à protéger les personnes sans rapport avec les hostilités. Elle s’est structurée autour de grands principes : la distinction entre combattants et civils, la proportionnalité des attaques et la nécessité de précaution afin d’éviter ou de minimiser les pertes civiles. Dans la tragédie de Khan Younès, ces principes sont mis à l’épreuve. La mort d’enfants, par essence non-combattants, interroge la capacité des belligérants à respecter ces règles fondamentales du droit international humanitaire.
La responsabilité morale dans les conflits armés ne se limite pas à l’obéissance aux ordres ou à la défense de la patrie. Elle implique un devoir de discernement et de réflexion sur les conséquences de ses actes. Samy Cohen, dans son ouvrage Tuer ou laisser vivre, rappelle que l’éthique de la guerre exige de « ne pas tuer n’importe qui, n’importe quand, n’importe comment ». Or, l’histoire récente montre que la montée du terrorisme et la peur de l’ennemi ont érodé ces garde-fous, conduisant parfois à des réactions disproportionnées ou à l’indifférence face au sort des civils.
La notion de justice dans la guerre est également centrale. La justice ne peut se réduire à la vengeance ou à la punition collective, mais doit s’appuyer sur le respect du droit et la protection des innocents. Michael Walzer, philosophe spécialiste de la «guerre juste», souligne que la justice exige la défaite des groupes armés, mais non la vengeance contre les populations civiles. Dans le cas de Gaza, la question de la proportionnalité et de la distinction entre cibles légitimes et civils innocents reste un défi majeur.
La mort de neuf enfants dans une même famille illustre la souffrance incommensurable infligée aux civils. Cette souffrance pose la question de la déshumanisation de l’ennemi et de la perte de sensibilité morale en temps de guerre. La philosophie rappelle que chaque vie humaine a une valeur égale et que la protection des civils doit demeurer une priorité, quel que soit le contexte du conflit. Le droit international humanitaire, s’il est imparfait, reste le cadre indispensable pour limiter les atrocités et rappeler l’universalité de la dignité humaine.
La tragédie de Khan Younès n’est pas seulement une illustration de la violence des conflits contemporains. Elle interpelle la conscience collective sur la nécessité de préserver une éthique de la guerre, fondée sur la responsabilité, la justice et le respect de la vie humaine. Face à l’horreur, la philosophie invite à la réflexion et à l’action pour que de tels drames ne se reproduisent plus.
Israël-Gaza : ce que dit le droit international en temps de guerre, Gary Dagorn, Le Monde, 2023
Guerre Israël-Hamas : la justice internationale contre l’impunité, Le Monde, 2024