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La Terre et la vie, la poule et l’œuf


La Terre et la vie, la poule et l’œuf.

Nous sommes nombreux à partager le mythe, véhiculé par les sciences et plusieurs religions, d’une planète idéalement située à une distance adéquate de son étoile, pourvue de composés chimiques, eau, atmosphère, ressources minérales, parfaitement équilibrés en masse et répartition, qui a permis l’éclosion de la vie. Vie qui s’est propagée depuis les profondeurs des océans jusqu’à la surface des continents, des plus petits microbes jusqu’aux arbres géants. Certains vont même jusqu’à croire que le développement de la vie a suivi un chemin de complexification pour aboutir à la suprématie d’un mammifère particulier, l’homme. Le Soleil, la Terre, les microbes, l’homme, tout occupe sa place dans une dynamique parfaite.

Pourtant, cette planète de 4, 55 milliards d’années ressemblait à un enfer rouge de roches en fusion. Et cela a duré plusieurs centaines de millions d’année. La vie s’est développée peu à peu, dès que l’eau s’est figée dans les océans primitifs ; au dehors, l’atmosphère de nitrogène et de méthane, sans barrière des radiations solaires brûlait toute forme de vie. La grande oxydation, bifurcation radicale vers d’autres formes de vie s’enclenche il y a environ 2,8 milliards d’années : l’oxygène apparaît progressivement, se répand dans l’atmosphère, l’ozone stratosphérique filtre les rayons délétères. La vie aérobie se développe tandis que la vie anaérobie subsiste, il en reste, par exemple, au tréfonds de nos intestins.

Que s’est-il passé ? Les cyanobactéries ont oxygéné l’atmosphère, brûlant le méthane. L’expansion de ce e vitalité a créé la possibilité d’autres formes de vie, dans lesquelles nous baignons encore. Plus tard, la disparition du méthane a réduit l’effet de serre jusqu’à ce que notre planète se transforme en une boule de neige et de glace. Mais,bien plus tard, le cycle du carbone a amorcé sa marche et la lignine, dont la résistance a permis aux arbres de s’ériger sur les continents, a accompagné cette colonisation. C’était il y a 400 millions d’années ; les champignons n’existaient pas et ne dégradaient pas encore les troncs morts qui sédimentaient en charbon. La vie a créé des roches noires. Au fond des océans, des algues planctoniques, en construisant des coquilles, ont stocké le carbone qui sédimente sur le plancher océanique. Lequel, par le jeu de la tectonique s’est élevé en falaises de calcaire. La vie crée des roches blanches. Mais ce n’est pas tout car l’oxygène fabriqué par les plantes, mêlé à l’action de l’eau dégrade en permanence les roches les plus dures.

Encore sur les continents, le développement des plantes lors des périodes de réchauffement modifie l’albédo (pouvoir de réflexion d’une surface) ce qui augmente la température de surface du sol. Ainsi, les organismes vivants agissent directement sur deux paramètres fondamentaux du climat : la proportion des gaz à effet de serre et l’albédo. Quant à la présence d’eau liquide en surface, elle serait rendue possible, mais c’est encore discuté, par la couche d’ozone stratosphérique liée à l’oxygénation.

Les singularités de notre planète, distance au soleil, tectonique, présence d’eau, ont permis l’émergence de la vie. Mais celle que nous connaissons vient de la vie elle-même. Jamais la notion de biosphère n’a été aussi flagrante dans cette vision d’une planète vivante. Et cet équilibre délicat des écosystèmes et de leurs influences dynamiques est aujourd’hui terriblement menacé par les activités métaboliques humaines à tel point que l’on évoque l’anthropocène pour qualifier les atteintes aux limites planétaires. En marche vers une nouvelle biosphère, dont nous ne serons peut-être pas ?

Note de lecture de  Jean-Louis Petermann d’après le texte  de Sébastien Dutreuil (« Comment le vivant a construit l’environnement ») dans le numéro hors-série numéro 9 de Socialter dec. 2020 « Renouer avec le vivant »