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Sécheresse et canicule : des centrales nucléaires en surchauffe


Sécheresse et canicule : des centrales nucléaires en surchauffe

Ces dernières années, les fortes chaleurs se font plus intenses et plus fréquentes, une tendance malheureusement appelée à se confirmer. Or les sécheresses et les canicules viennent accroître les nuisances générées par le fonctionnement habituel des centrales nucléaires. En outre, elles rajoutent des risques supplémentaires pour la sûreté et peuvent imposer l’arrêt des installations.

Le réacteur 2 la la centrale de Golfech va être mis à l’arrêt à 15h le 31 juillet pour 2 jours... ce n’est peut-être que le début de la série de coupures pour cause de canicule de l’été 2020. À suivre...

La moitié du prélèvement d'eau en France

Les centrales nucléaires prélèvent dans les mers, fleuves et rivières d’importantes quantités d’eau (représentant plus de la moitié du volume prélevé en France), dont une partie est restituée dans l’environnement sous forme de vapeur d’eau. En outre, même en fonctionnement normal, elles rejettent dans les fleuves et rivières de l’eau plus chaude, mais aussi des substances chimiques et radioactives (notamment du tritium, dont des concentrations non négligeables ont récemment été retrouvées dans la Loire. )

Lorsque la température augmente et que le débit des cours d’eau diminue, l’impact de ces nuisances s’accroît. Les milieux aquatiques, déjà fragilisés, sont mis à rude épreuve par la moindre dilution des polluants et par les rejets d’eau chaude. Ceux-ci agissent comme une barrière qui réduit considérablement les chances de survie des poissons grands migrateurs, comme les saumons et truites des mers. Depuis plusieurs années, les associations alsaciennes alertent sur le réchauffement de la température du Rhin lié au fonctionnement de la centrale de Fessenheim.

Prélèvements de 2 à 3 m3 (50 en mer) par seconde

Dans un réacteur, la réaction nucléaire permet de chauffer de l’eau. Cette eau surchauffée à 330°C, sous une pression de 150 bars, produit de la vapeur en passant par les générateurs de vapeur, vapeur qui va faire tourner une turbine (production d’électricité par le turboalternateur). À la sortie de la turbine, un circuit d’eau de refroidissement permet de condenser et refroidir cette vapeur.

Pour assurer ce refroidissement, les réacteurs ont besoin d’eau en permanence. Ceux implantés sur des cours d’eau à débit faible sont généralement équipés de tours de refroidissement. Ils prélèvent 2 à 3 m3 d’eau par seconde, dont une partie est ensuite évaporée dans les tours aéroréfrigérantes, le reste étant rejeté. Quant à ceux situés en bord de mer ou sur des fleuves à fort débit, dépourvus de tours de refroidissement, ils fonctionnent en circuit dit « ouvert » et nécessitent une quantité d’eau plus importante, de l’ordre d’une cinquantaine de m3 par seconde. Toute l’eau est rejetée dans le cours d’eau ou la mer, à une température plus élevée. On note que le flux chaud ne se mélange pas tout de suite avec l’eau plus froide.

Des dérogations, tant pis pour les poissons

Certes, passé un certain seuil, des mesures sont mises en œuvre par EDF. Mais celles-ci connaissent aussi leurs limites. Ainsi, pour chaque site, la réglementation fixe une température maximale à ne pas dépasser en aval (26°C pour Bugey, 28°C pour Fessenheim…), faute de quoi la centrale est censée s’arrêter. Toutefois, EDF obtient bien souvent des dérogations. Suite à la canicule de 2003, la réglementation site par site a été assouplie. Et si, en cas de "canicule extrême et nécessité publique", les limitations habituelles ne peuvent être respectées, un décret de 2007 autorise à modifier encore les conditions de rejets thermiques ! Les poissons apprécieront...

Quand les cours d’eau ne peuvent plus refroidir les centrales

Un débit suffisant est indispensable pour refroidir les réacteurs, faute de quoi les réacteurs doivent procéder à une baisse de puissance, voire s’arrêter. En outre, la température de l’eau ne doit pas dépasser un certain seuil, sans quoi le refroidissement n’est plus efficace.

Pour soutenir le débit des cours d’eau, EDF joue sur les barrages et retenues en amont… quitte à ce que le refroidissement des centrales passe avant d’autres usages. Ainsi, le lac de Vassivière, dans la Creuse, lieu de baignade apprécié, a terminé l’année 2018 à 8 mètres en-dessous de son niveau normal, interdisant certaines activités de loisir… La question peut même prendre des proportions internationales : en avril 2015, François Hollande avait négocié avec la Suisse pour qu’en cas de sécheresse, le débit du Rhône à la sortie du Lac Léman reste suffisant pour refroidir les 14 réacteurs français situés au bord du fleuve.

Dès l'origine, des doutes !

Dès l’origine, des doutes ont été exprimés quant à la capacité de certains cours d’eau à assurer un refroidissement correct. Les commissaires-enquêteurs avaient ainsi émis un avis défavorable à la construction de la centrale nucléaire de Civaux, sur la Vienne. Cette problématique est devenue plus lourde ces dernières années. En 2003, un quart du parc a dû être arrêté. En 2018, une demi-douzaine de réacteurs ont dû voir leur puissance réduite et quatre autres ont été arrêtés (plus d’informations). Alors que le ministère de la Transition Énergétique prédit une baisse de 10 à 40% du débit moyen des cours d’eau à l’horizon 2050-2070, cette tendance devrait s’accentuer.

Des installations en surchauffe

Lorsque la température devient trop élevée dans certains locaux, certains équipements importants pour la sûreté ne peuvent plus fonctionner correctement. Lors de la conception des réacteurs, des températures maximales avaient été prises en compte pour dimensionner les systèmes d’aération en fonction. En 2003 et 2006, ces températures ont été dépassées. Il a même fallu arroser l’enceinte de confinement de la centrale de Fessenheim pour refroidir le bâtiment !

La démonstration de la capacité des installations à faire face aux situations de « grands chauds » n’est pas apportée

Alors que les vagues de chaleur sont censées devenir plus fortes et plus fréquentes du fait du changement climatique, la poursuite du fonctionnement de centrales vieillissantes a de quoi inquiéter. EDF, qui souhaite prolonger le fonctionnement de quasiment tous ses réacteurs jusqu’à 50 ans au moins , a réalisé des études destinées à démontrer qu’ils pourraient résister à des phénomènes climatiques extrêmes même à cet âge canonique. Mais l’IRSN estime que « la démonstration de la capacité des installations à faire face aux situations de « grands chauds » n’est pas pleinement apportée à ce stade et doit être complétée par EDF" . Dans une note publiée en février 2019, il souligne qu’EDF doit revoir sa méthodologie pour déterminer les températures exceptionnelles auxquelles sont censé résister les réacteurs, de sorte que les calculs doivent être refaits. Alors que des températures record ont été enregistrées fin juin, un tel optimisme pourrait s’avérer bien téméraire.

Des risques également pour les centrales en bord de mer

Les centrales situées près des côtes dans le Nord de notre pays, a priori soumises à des étés moins rigoureux et non concernées par les problèmes de baisse de débit des cours d’eau, ne sont pas épargnées pour autant par les effets des fortes chaleurs.

En effet, celles-ci peuvent provoquer la prolifération d’algues dans les fleuves côtiers ou canaux d’amenée où est prélevée l’eau nécessaire au fonctionnement de la centrale. Ainsi, la Diélette, fleuve côtier où la centrale de Flamanville pompe l’eau destinée à alimenter des bassins servant au refroidissement en cas de problème, est infestée par l’élodée du Canada. Pour EDF, il faut absolument éviter que ses longues tiges ne viennent boucher les canalisations...

Enfin, si ces sites côtiers ne craignent pas la sécheresse, certains, à moyen ou à long terme, pourraient être menacés par la montée des eaux (comme la centrale nucléaire du Blayais, dans l’estuaire de la Gironde, déjà été inondée lors de la tempête de décembre 1999 ; ou celle de Gravelines, dans le Nord, construite sur un polder...)

Conclusion : le nucléaire ne sauvera pas le climat

Cette analyse s’ajoute à l’ensemble des arguments qui montrent que le nucléaire n’est pas une option pour lutter contre le changement climatique. Non seulement il n’apporte qu’une contribution négligeable à la réduction des émissions, mais il est lui-même extrêmement vulnérable à l’augmentation des températures.

EDF devrait se rendre à l’évidence : maintenir le fonctionnement de réacteurs existants dans les régions les plus sujettes aux fortes chaleur est dangereux. Envisager de nouvelles installations au bord de fleuves et rivières fragilisés, ou encore de littoraux menacés de submersion, relève de l’aveuglement. Alors que certains tendent à considérer le nucléaire comme un « mal nécessaire » face au changement climatique, il n’est pas inutile de rappeler ces faits.

EXTRAITS D'UN ARTICLE À LIRE DANS SON INTÉGRALITÉ, AVEC NOTES, VIDÉOS, GRAPHIQUES SUR SORTIR DU NUCLÉAIRE

Crédit photo : Markus Distelrath