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Le nucléaire est-il l’ami du climat ?


À la radio, au cinéma, dans les suppléments féminins de la presse régionale... ces derniers mois, Orano nous a bombardés de publicités vantant les mérites du nucléaire et notamment ses faibles émissions de CO2. Avec cette communication, l’entreprise cherche-t-elle à améliorer l’acceptabilité sociale d’une technologie dangereuse et polluante pour préparer le terrain pour de futurs nouveaux réacteurs ?

Le Réseau “Sortir du nucléaire“ porte aujourd’hui plainte devant le Jury de déontologie publicitaire pour dénoncer cette campagne fallacieuse.

Une communication fallacieuse sur les émissions du nucléaire

« Hé non, on ne réchauffe pas la planète ! », « Pour faire du nucléaire avec du CO2, il va falloir charbonner »… voilà les messages diffusés par Orano à l’occasion d’une campagne de publicité massive et sur son site dénommé « idées reçues ». De nouveau, l’industrie nucléaire joue sur l’idée fausse d’un nucléaire « décarboné » et donc ami du climat.

Cette communication passe outre le fait que les installations nucléaires émettent bien des gaz à effet de serre – dont certains ont d’ailleurs un pouvoir de réchauffement bien supérieur à celui du CO2 [1].  

Écoblanchiment(1)

Surtout, en focalisant sur ses émissions peu élevées de CO2, Orano tente de verdir son image, passant ainsi sous silence le risque d’accident, la pollution des mines d’uranium et la production de déchets (dont seule une infime partie est « recyclée », contrairement à ce qu’elle prétend dans une autre publicité). Pour le Groupement Intergouvernemental d’Experts sur le Climat (GIEC), ces nuisances vont d’ailleurs à l’encontre des Objectifs de Développement Durable.

Orano n’a rien à vendre aux citoyen.es. Pourquoi ce greenwashing massif à destination du grand public, si ce n’est pour améliorer l’acceptabilité sociale du nucléaire en surfant sans complexe sur la légitime préoccupation pour le climat ? S’agit-il de préparer le terrain, alors que les projets pour 6 nouveaux réacteurs sont dans les cartons ?

Pollution radioactive de l’eau sous la centrale de Tricastin 

C’est deux mois et demi après la déclaration officielle aux autorités que le public est informé : une importante pollution de la nappe d’eau située sous la centrale du Tricastin (Drôme) est en cours. Cette pollution est la conséquence d’une rupture de canalisation véhiculant des effluents radioactifs.

Aucune explication de l’exploitant n’est fournie quant à la survenue de cette fuite. Que la tuyauterie d’un réservoir d’effluents radioactifs se perce ou se rompe soulève clairement la question de l’état des équipements de l’installation nucléaire, de son entretien et de sa surveillance. D’autant que cette fuite s’est produite durant la quatrième visite décennale du réacteur 1, c’est à dire pendant un arrêt pour contrôles, remises en conformité et modifications des équipements.

Dans son communiqué au public, daté du 22 janvier 2020, EDF indique que la déclaration de cet événement significatif pour l’environnement a été faite le 6 novembre 2019. Soit 2 mois et demi avant. La fuite radioactive est donc probablement antérieure, mais aucune date précise de découverte de la fuite n’est donnée (aucune information non plus sur sa durée, le volume d’effluents contaminés dispersés etc.). 

Contamination au tritium très importante

Si la radioactivité mesurée depuis le 6 novembre dans les eaux souterraines à l’aplomb de la centrale nucléaire est "aujourd’hui significativement en baisse" selon l’exploitant, des pics de radioactivité sont encore possibles, et pourront s’étaler sur plusieurs mois. Ces eaux souterraines ainsi que la nappe adjacente, qui elle est à l’extérieur du site nucléaire, sont mises sous surveillance renforcée. Mais les mesures réalisées en novembre et en décembre ont montré une contamination au tritium très importante, allant jusqu’à plus de 5000 Bq/L (le tritium est un isotope radioactif normalement quasi absent de l’environnement - pour en savoir plus sur le tritium, c’est par ici). L’exploitant insiste sur le confinement total de cette pollution radioactive grâce à une enceinte géotechnique construite sous la centrale. Selon la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), il peut traverser 60 centimètres de béton, c’est-à-dire l’épaisseur de l’enceinte géotechnique sous la centrale. 

Ce n’est malheureusement pas la première fois que la centrale du Tricastin pollue les eaux par des contaminations radioactives. Cette nouvelle fuite radioactive est une nouvelle preuve que l’état des installations nucléaires du Tricastin, leur surveillance, la maîtrise des risques qu’elles génèrent pour l’environnement et la manière dont EDF informe le public sont loin d’être optimum, et ce malheureusement, de manière récurrente.

Programmation Pluriannuelle de l’Énergie 

Le texte de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), censé définir les grandes lignes de la politique énergétique française pour les années à venir, est en consultation du 20 janvier au 19 février 2020. Il s’agit de la dernière étape d’un long processus où beaucoup de temps a déjà été perdu.

Un recul irresponsable de l’échéance de réduction de la part du nucléaire

Recul de l’échéance de réduction de la part du nucléaire, prolongation du fonctionnement des centrales existantes jusqu’à 50 ans au moins, et de nouveaux réacteurs dans les cartons : voici ce que nous propose ce texte.

La « Loi de transition énergétique pour une croissance verte » votée en 2015 prévoyait qu’à échéance 2025, le nucléaire ne représenterait plus que 50% du mix électrique. Les gouvernements successifs n’ayant rien entrepris en ce sens, cette échéance devenait de plus en plus ambitieuse.

Mais plutôt que de chercher à atteindre cet objectif au plus tôt, le gouvernement a carrément repoussé l’échéance de 10 ans. L’argument climatique invoqué a bon dos : des scénarios montraient pourtant qu’un report à 2035 n’était pas nécessaire pour respecter les engagements de la France en matière de réduction des émissions. En outre, comme le rappelle le Réseau Action Climat, les mesures proposées dans cette PPE et dans la Stratégie Nationale Bas-Carbone qui l’accompagne ne permettent pas d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Ce report ne relève donc ni d’un souci environnemental, ni du pragmatisme, mais d’un attentisme pur et simple. Il aura par ailleurs des conséquences lourdes sur la sûreté.

La production nucléaire ne variera pas 

14 réacteurs seront fermés d’ici à 2035. Outre Fessenheim, les fermetures auront lieu parmi les centrales suivantes, comptant parmi les plus anciennes : Blayais, Bugey, Chinon, Cruas, Dampierre, Gravelines et Tricastin. 

D’ici 2028, la production nucléaire ne variera pas beaucoup (elle sera cette année-là de 371 ou 382 TWh, selon les scénarios retenus ; en comparaison, elle a été de 390 TWh en 2019). La baisse de la part du nucléaire sera donc toute relative... et découlera surtout de la croissance de la part des renouvelables !

44 autres réacteurs restant en fonctionnement !

Si l’arrêt de 14 réacteurs est prévu, les 44 autres resteront en fonctionnement, sans que leur sort après 2035 n’ait été envisagé. La moyenne d’âge du parc sera alors de 49,3 ans. Même en partant du principe que les plus anciennes unités auront déjà été fermées, près de 20 auront alors atteint ou dépassé les 50 ans de fonctionnement effectifs.

Le gouvernement part ainsi du principe que ces réacteurs pourront continuer à fonctionner sans problème. Ceci revient à ignorer totalement l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire, seule habilitée à décider de la poursuite ou non du fonctionnement d’un réacteur, ainsi que les enjeux liés au vieillissement. Rappelons pourtant que certaines pièces comme les cuves, ne sont ni réparables ni remplaçables et deviennent plus fragiles avec le temps. Les prolonger au delà de la durée de fonctionnement initialement prévue, d’une quarantaine d’année, revient à rogner sur les marges de sûreté.

En outre, de nombreux défauts de fabrication, résultant d’affaires de fraudes dans les usines, sont régulièrement découverts sur des pièces équipant le parc nucléaire. Si celles-ci ne présentent pas les caractéristiques attendues en termes de sûreté, peut-on présager aussi facilement de leur robustesse dans la durée ?

Enfin, la prolongation du fonctionnement des réacteurs nécessitera des interventions lourdes et souvent inédites, alors même que l’ASN émet des doutes quant à la capacité d’EDF à réaliser de gros travaux pour prolonger le fonctionnement de ses réacteurs et pointe une sévère perte de compétence.

La prolongation du fonctionnement de si nombreux réacteurs à 50 ans - voire 60 - ne peut donc être considérée comme acquise. Mais le gouvernement a délibérément choisi d’ignorer cette question, au point de refuser, lors du vote de la loi énergie-climat en juillet 2019, un amendement proposant que la PPE comporte des scénarios alternatifs si un ou plusieurs réacteurs devaient fermer pour raison de sûreté.

La relance du nucléaire à l’ordre du jour

Même si elle ne constitue pas un "engagement", la construction de 6 nouveaux EPR, déjà évoquée dans une lettre du gouvernement à EDF, figure cette fois-ci noir sur blanc.

Cette fuite en avant dans le nucléaire aura bien sûr des conséquences en termes de sûreté, mais aussi de production de déchets. Alors que le projet Cigéo d’enfouissement de déchets radioactifs, imposé à la population du Grand Est, présente toujours des problèmes de sûreté importants.

Lors du débat public organisé en 2018 sur la PPE, 400 personnes représentatives de la population française avaient été tirées au sort et questionnées sur différents sujets. Entre autres, elles s’étaient exprimées massivement contre le report à 2035 des 50% de nucléaire, contre la prolongation de nombreux réacteurs à 50 ans et contre la construction de nombreux EPR. C’est en vain qu’on cherchera une trace de leur avis dans le texte de la PPE.

EXTRAITS D'ARTICLES DU SITE SORTIR DU NUCLÉAIRE À LIRE DANS LEUR INTÉGRALITÉ ICI, ICI ET ICI.

Pétition

Le site Sortir du Nucléaire met en ligne une pétition adressée aux Maires de France, élus municipaux et présidents d’intercommunalités : 

Le chantier du réacteur nucléaire EPR en construction à Flamanville, en Normandie, n’en finit pas de s’enliser. Selon les dernières estimations, il aura plus de 10 ans de retard et coûté 9 milliards d’euros de plus que prévu... Quel gâchis ! Ce fiasco est révélateur de l’état général de l’industrie nucléaire, où les affaires de malfaçons et de fraude organisée s’accumulent, symptôme d’une dérive généralisée de la filière. L’Autorité de sûreté nucléaire elle-même pointe une dangereuse perte de compétences et doute des capacités de l’industrie nucléaire à réaliser de gros travaux.

Aujourd’hui, l’industrie nucléaire est en déroute, c’est un fait, mais qui part à l’assaut des territoires !

Et pourtant, avec la complicité du gouvernement, l’industrie nucléaire veut implanter de nouveaux projets sur nos territoires en espérant ainsi relancer cette énergie moribonde !

Ainsi, malgré le fiasco de l’EPR, EDF compte lancer la construction de six nouveaux réacteurs, sur trois sites différents ! Pour les régions concernées, cela voudrait dire vivre avec le risque d’accident pour des décennies !

Et plutôt que de stopper la production de déchets radioactifs, l’industrie nucléaire veut continuer à parsemer nos territoires de nouveaux sites dédiés à une illusoire « gestion » de cette montagne de substances. Outre le projet Cigéo d’enfouissement de déchets radioactifs dans le Grand Est, on peut mentionner l’installation ICEDA, où seraient entreposés au bord du Rhône des déchets issus du démantèlement, le projet de stockage de combustible nucléaire usé au bord de la Loire, ou encore une blanchisserie radioactive au bord de la Marne...

Que ces projets soient ou non implantés directement sur votre territoire, ils vous concernent !

Mesdames, messieurs les Maires, élus locaux et Présidents d’intercommunalité ne soyez pas dupes, refusez l’implantation de l’industrie nucléaire dans vos territoires ! Ils méritent mieux que ça ! Le nucléaire n’a pas d’avenir, arrêtons le !

VOIR LA PÉTITION ICI


photo Jakub Orisek