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Corégulation citoyenne : chacun de nous peut changer les codes de l’écosystème numérique.


La co-régulation citoyenne (c’est-à-dire un comportement orienté collectivement vers un même but et utilisant, pour arriver à ses fins, les réseaux sociaux comme un véritable contre-pouvoir) pourrait devenir l’arme la mieux adaptée pour lutter contre les pouvoirs totalitaires et les monopoles numériques. Comment peut-elle modifier de l’intérieur le code génétique, l’ADN d’Internet? La question semble, en effet, fondamentale pour l’avenir de notre société, et même de l’humanité. Les réseaux sociaux, principalement animés par les générations nées avec Internet, commencent à faire sentir l’étendue de leur pouvoir lorsqu’ils s’organisent pour remettre en cause les régimes des pays totalitaires ou les modèle économiques et sociaux des pays démocratiques.


Plusieurs mouvements spontanés - les Indignés, Occupy Wall Street, les printemps arabes, le Printemps érable ou encore Nuit Debout - ont prouvé leur efficacité et affiché leur détermination, même s’ils ont été par la suite récupérés, quand ce n’était pas instrumentalisés, par le retour des pouvoirs de nature centralisée, voire totalitaire.


Une utilisation intelligente des réseaux sociaux et de la télévision, alliée aux cyberactivistes et manifestants de rue, aura contribué à faire plier les régimes les moins permissifs. On pourrait qualifier ces opérations de « cybversion». Et que dire des actions cybversives de WikiLeaks, du collectif Anonymous ou des Pirates, incarnant cette pression du bas vers le haut: l’expression populaire massive catalysée par Internet?


Quant à savoir si ces mouvements conduisent à modifier de manière épigénétique l’ADN d’Internet, la réponse est vraisemblablement oui. Des millions d’internautes vont réorienter leurs actions, leurs créations, leurs liens, leurs enregistrements, leurs contacts, leurs amis ou leur blog selon leur appréciation personnelle de ces différents mouvements, selon la tendance ou le «buzz» du moment.


Un important travail de recherche doit être entrepris pour confirmer ou infirmer la modification épigénétique de l’ADN d’Internet. C’est d’ailleurs l’un des objectifs du Global Brain Institute que de tirer des enseignements de l’étude des ressemblances entre le cerveau humain et le cerveau planétaire. Son président, Francis Heylighen, a reçu en 2015 le prestigieux prix du Web Intelligence Consortium pour sa contribution au cerveau global et aux technologies de l’intelligence collective.


Mais des pouvoirs puissants sont à l’œuvre pour conquérir de l’intérieur et contrôler le fonctionnement de cet écosystème numérique planétaire. Ils peuvent utiliser l’intelligence artificielle, les robots, mais surtout effectuer une forme de «génie génétique» sur l’ADN d’Internet, ou plutôt de l’écosystème numérique, dont nous faisons désormais partie en tant que cellules ou neurones interconnectés.


La génétique et l’épigénétique d’Internet peuvent donc être modifiées «de l’intérieur». S’agit-il dans ce cas de la poursuite du «bricolage» de la nature vers de nouvelles formes d’adaptation? L’avenir de l’humanité devra-t-il dépendre de nouvelles formes de protection contre de telles modifications et prises de pouvoir?


Ce que je trouve fascinant dans ce processus d’extension des propriétés de notre cerveau à l’écosystème numérique et au cerveau planétaire, c’est la possibilité d’études scientifiques du phénomène global auquel nous participons. Encore une source d’émerveillement, mais celui-ci doit être nuancé par le souci de répondre à la question fondamentale du contrôle de cette évolution.

EXTRAITS DU LIVRE DE Rosnay (de), Joël. Je cherche à comprendre… – Les codes cachés de la nature. Les Liens qui Libèrent. 2017. 160 pages  

DANS LE CADRE DE NOTRE THÈME DE 2019 : LE TRANSHUMANISME