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« Nous sommes l’humanité »


Ce documentaire se veut le témoignage d’une microsociété d’une île à l’est de l’Océan indien qui, après avoir longtemps vécu en marge d’influences extérieures, risque de disparaître.

«Nous sommes l’humanité» d’Alexandre Dereims, Film français, 1 h 30

En quelques flèches habilement lancées dans la mer entre les rochers, les poissons du prochain repas sont pêchés. Sur la terre ferme, dans une forêt luxuriante, des hommes tuent un daim. « Nous chassons uniquement ce dont nous avons besoin, explique un Jarawa. Nous vivons tranquillement dans la forêt, heureux et solidaires. » Cette société de chasseurs-cueilleurs des îles d’Andaman, dans l’Océan indien, compte environ quatre cents membres qui vivent en groupes semi-nomades d’une cinquantaine de personnes.

Malgré les brèves irruptions de quelques explorateurs et autres colons, cette population s’est tenue à l’écart de la « civilisation » jusqu’il y a vingt ans environ. Les Jarawas ont bien adopté les lampes de poche des Indiens et quelques vêtements, mais pour le reste, ils sont clairs : « On n’aime pas votre monde, on ne veut pas de contact. » À plusieurs reprises, ces contacts ont eu pour conséquence des épidémies qui les ont décimés. Des braconniers ont chassé si massivement les cochons sauvages dont les Jarawas se nourrissaient qu’ils ont dû se rabattre sur les daims.

Un paradis terrestre menacé

Le grand reporter Alexandre Dereims, récompensé en 2009 du prix Albert Londres pour un documentaire sur les transfuges nord-coréens, filme « le seul et unique témoignage » de ceux qu’il présente comme « les premiers humains ». Les Jarawas auraient quitté l’Afrique il y a 70 000 ans et seraient restés « isolés du reste du monde depuis la nuit des temps. »

Nous sommes l’humanité ne se veut pas un travail anthropologique, mais la description d’un paradis terrestre et de ses habitants que « notre monde est sur le point de détruire. » Sans voix off (mais avec des cartons d’introduction et de conclusion), il montre les Jarawas dans leur quotidien, souriants et épanouis, occupés à composer des colliers de fleurs, à se peindre avec grâce des signes sur le visage, à s’occuper tendrement des tout-petits.


Message manichéen

Sublime, l’image magnifie les couchers de soleil sur la plage, la végétation luxuriante, les jeux des plus jeunes enfants et les visages terriblement photogéniques des très jeunes adultes – mais où sont donc les personnes âgées ? Au milieu de cette beauté flamboyante et de cette harmonie paisible, surgissent quelques plans d’usines, de bidonvilles, d’enfants indiens jouant parmi les détritus.

Le message est aussi limpide que manichéen : les Jarawas détiennent la Vérité, contrairement à nous. Malgré la générosité du message d’alerte pour leur survie, cette juxtaposition dualiste, l’absence de commentaires, le parti pris esthétique appuyé font écho aux sempiternels fantasmes occidentaux du « bon sauvage », symbole d’une supposée enfance du monde, dans une société censée être figée, anhistorique, où rien n’aurait jamais évolué. Les Jarawas auraient certainement mérité une approche laissant davantage place à la complexité.

EXTRAITS D'UN ARTICLE DE CORINNE RENOU-NATIVEL SUR LE SITE LA CROIX. LIRE L'INTÉGRALITÉ DE L'ARTICLE ICI

EN LIEN AVEC NOTRE ATELIER PHILO DU 15 FÉVRIER 2016 : LA LIBERTÉ DANS LE MONDE MODERNE