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L’uberisation de la médecine


Demain nos professionnels de santé seront des salariés

L’uberisation de la médecine, déjà en cours, risque de faire perdre à terme le lien humain essentiel à la bonne relation entre praticiens et patients, met en garde dans cette tribune Jonathan Atlani, co-créateur de la start-up SIVAN, qui propose un logiciel de gestion RH pour les professionnels de santé.

La pratique libérale qui a caractérisé les générations précédentes de médecins est en train de disparaître.

Ce bouleversement est-il dû aux praticiens ou bien aux nouveaux « managers » qui travaillent à optimiser la gestion des professionnels de santé ? Les deux mon capitaine ! Les nouveaux praticiens veulent profiter des avantages liés au salariat (congés payés, congé paternité ou maternité, meilleure retraite, centres médicaux élégants et accueillants dans de beaux quartiers) sans la contrainte d’un loyer onéreux, mais ils sont aussi attirés par le fait de pratiquer davantage leur métier – leur passion pour certains – à savoir la médecine !

Combien de praticiens libéraux passent trop de temps à faire de l’administratif, du management, de la gestion, de la comptabilité ? Bref, tout sauf de la médecine. Ainsi, les jeunes générations se tournent de plus en plus vers le salariat. Comme le rappelait en juin 2020 Yves Hochard, directeur général de Juxta, dans une tribune publiée dans Le Monde, 62 % des médecins nouvellement inscrits au Conseil national de l’Ordre des Médecins choisissent le salariat, contre seulement 12 % qui choisissent une activité libérale.

Certains l’ont bien compris, ce nouveau courant est une formidable opportunité d’investissements et de rentabilité. La santé reste l’un des secteurs qui, « préservé » par le système libéral, a connu une numérisation plus lente et moins évoluée, et si les praticiens ont intégré l’innovation technologique dans leur vie personnelle, ils n’ont pas véritablement amorcé la transformation digitale de leur pratique médicale quotidienne. Ce qui est intéressant à l’ère où les patients interrogent docteur Google pour le moindre symptôme, où le gouvernement investit plus de 2 milliards d’euros dans « le numérique en santé », et où les fonds d’investissements rôdent autour des outils de management à appliquer dans ce secteur.

Qu’est-ce que cette évolution va changer concrètement ? Pour les patients, pas grand-chose. Peut-être trouverez-vous plus facilement un centre de soin près de chez vous, avec des médecins plus disponibles. Mais en contrepartie, vous n’aurez sûrement plus « votre » médecin attitré… Vous aurez un médecin. Après tout, qu’importe le docteur, pourvu qu’on ait la santé ?

Pour les praticiens, en revanche, c’est une révolution quasi copernicienne : ils vont être managés, dirigés par des gestionnaires de centres ayant des objectifs de profit. Pour optimiser son centre, le directeur financier pourra proposer de mutualiser certaines compétences, de renforcer certains créneaux. Couplez cela à la multiplicité des centres qui s’ouvrent et vous obtenez des praticiens qui seront dirigés selon les besoins du marché. C’est l’uberisation des professionnels de santé.

Bien malin celui qui peut prédire aujourd’hui comment s’exercera précisément la médecine dans dix ans. Ce qui est sûr, c’est que la pandémie de Covid-19 a considérablement développé la pratique de la téléconsultation, et que nous n’en sommes probablement qu’aux prémisses de cette évolution. Pour l’instant, la télémédecine ressemble beaucoup à de la communication en visioconférence entre un praticien et un patient.

Le soin a besoin du contact humain. Combiner technologie et savoir-faire humain, voilà l’idée. Gageons que nous évoluerons dans ce sens et que nous ne nous ne choisirons pas le 100 % numérique au détriment de la relation humaine, quand bien même cela permettrait de traiter plus de patients. 

EXTRAITS D'UN ARTICLE DE JONATHAN ATLANI À LIRE DANS SON INTÉGRALITÉ SUR LE SITE USBEK & RICA