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Liberté, Égalité et Fraternité


ATELIERS SCIENCES HUMAINES ET PLUS… 

LIBERTÉ ÉGALITÉ FRATERNITÉ

Atelier du Lundi 26 octobre

Compte tenu des conditions sanitaires imposées par la pandémie du COVID nous n’aurons pas de présentation vidéo ce mois-ci mais une présentation par écrit (ci-dessous)

Table des matières

  • PRÉSENTATION ET INTRODUCTION AU PROGRAMME ET AU THÈME DE LA DEVISE RÉPUBLICAINE
  • Introduction
  • Démocratie et république
  • La démocratie
  • La République
  • La République romaine
  • Symboles de la République
  • Histoire de la devise républicaine
  • La devise en trois générations
  •  1) Au nom de la liberté : les droits civils et politiques
  •  2)Au nom de l'égalité : les droits économiques et sociaux
  •  3) Au nom de la fraternité : les droits de solidarité
  • La Liberté
  • Comment être libre en obéissant à une loi ?
  • Ma liberté s'arrête là où commence celles des autres
  • Pourquoi un désir de liberté se transforme-t-il en servitude volontaire ?
  • Liberté et sécurité sont-elles conciliables ?
  • L’Égalité
  • La Fraternité
  • A l'épreuve de la modernité
  • Difficultés rencontrées par la Fraternité
  • Difficile de trouver un équilibre
  • Repères idées philo: (entre autres).
  • ATELIER ET DÉBATS

PRÉSENTATION ET INTRODUCTION AU PROGRAMME ET AU THÈME DE LA DEVISE RÉPUBLICAINE

Introduction

  Ce n'est pas l'actualité qui nous a inspiré ce thème, mais nous l'avons choisi parce qu'il a semblé être plus que jamais d'actualité.

 Lors du dernier atelier, nous avions mis sous les projecteurs la démocratie. Cette fois c'est au tour de la République d’être mise en examen.

 On constate que démocratie et république font route ensemble, sont proches mais différentes.

 Nous avons appris par les livres d'histoire que pendant la République de Venise,(la Sérénissime) par exemple, les Doges étaient nommés à vie, que la République de Florence était oligarchique et avait même vécu une parenthèse théocratique avec le dominicain Savonarole.

 Plus près de nous, nous constatons qu'une République n'est pas forcément une Démocratie : la République Populaire de Chine est une dictature, au pouvoir autoritaire, avec un président élu par le Parti Communiste.

 Une Démocratie n'est pas forcément une République : l'Angleterre est une monarchie où la Reine n'a qu'un pouvoir honorifique. C'est le premier ministre qui gouverne avec un Parlement élu au suffrage universel direct.

 Tout ce lexique prêtant à confusion, il est nécessaire de comprendre la distinction entre une République et une Démocratie ?  

Démocratie et république

Des démocraties qui ne sont pas des républiques, des républiques qui ne sont pas des démocraties. Il y a de quoi en perdre son latin comme aurait pu le dire Tite Live qui nous relata la mise en place de la République à Rome

Il faut d’abord constater que le mot « république » ne figure pas dans le dictionnaire de la sociologie, alors que « démocratie » y figure. 

La démocratie

C’est une doctrine politique. Voyons plus finement comment elle se manifeste dans un groupe social donné.  En fait pour les individus d’un un groupe social, il existe des intérêts de deux types, qui sont divergents :

  • -les uns sont des intérêts propres aux individus ou aux groupes intermédiaires (famille, entreprise, Eglises).
  • -les autres sont des intérêts communs à tous (défense vers l’extérieur, règles de jeu internes, punition des tricheurs).

Pour faire se rencontrer ces deux types d’intérêts, il existe des marchés réglés ou négociations qui ont pour but de transformer les intérêts propres en intermédiaires.  

En sociologie, la notion de démocratie doit être envisagée dans d’autres domaines que celui strictement politique. Il existe ainsi :

  • -une démocratie politique qui se manifeste par le choix des délégués, toujours temporaires, par le biais d’élections. Ils sont choisis pour leur compétences supposées.
  • -une démocratie économique qui se manifeste par l’achat, ou le refus, des consommateurs vis-à-vis d’un produit quelconque. Cette attitude revient à faire la promotion de certains entrepreneurs qui sont les plus compétents aux yeux des consommateurs. Face à cette vision, un peu idyllique de la démocratie, certains ont posé, et posent encore, un regard plus critique.

« A la nomination d’une minorité corrompue, la démocratie substitue l’élection par une masse incompétente ». G.B. SHAW seconde moitié du XIXème siècle. Irlande critique musical et dramaturge

La République

Il se trouve que, de par le monde, la doctrine politique qu’est la démocratie se concrétise souvent dans un régime de type républicain. 

La République est un régime politique. Il se caractérise par le fait que le pouvoir n’est détenu par un seul et n’est pas héréditaire. 

Rappelons qu’en France, le premier président de la République (la IIème 1848-1852) fut Louis-Napoléon Bonaparte élu au premier tour au suffrage masculin direct.  

 « Dans les républiques bien constituées, l’État doit être riche et les citoyens pauvres ». Machiavel XV-XVIème

Mais cette République comment était-elle à ses débuts ? Regardons Rome au VIème siècle avant J.C.

La République romaine

Rome fut la république la plus ancienne. Pourtant son organisation est bien différente de la nôtre. 

Nous la connaissons essentiellement par un texte de l’auteur latin Tite Live (-59/17) qui écrit plus de 500 ans après les faits. D’où une source à prendre avec précaution. En fait, selon Tite Live, c’est en -509, que l’on constate la mise en place d’une république qui consista essentiellement à limiter à un an le pouvoir des consuls. C’est événement se passa à la fin du règne du roi étrusque Tarquin le Superbe. Elle ne visait pas à retrancher le pouvoir des rois. Elle débute donc très modestement. 

Cette république n’est pas une démocratie, mais plutôt une oligarchie, puisque les responsabilités politiques et militaires sont transférées aux plus riches. Ce sont les consuls qui sont élus par le peuple assemblé, les votes se font dans 4 assemblées : les comices. 

Symboles de la République

 La République Française a des symboles, pour rappeler aux français quelles sont les valeurs de leur pays, qu'ils sont unis par la même histoire, les mêmes traditions.

 Nous connaissons tous Marianne, l 'hymne national, le coq, la fête nationale, le drapeau,... et la devise française : Liberté, Égalité, Fraternité.

 Cette devise, a une histoire qu'il est bon de rappeler.

Histoire de la devise républicaine

On identifie  facilement son émergence massive en 1880, sous la IIIème République, lorsque cette devise est inscrite au fronton des édifices publics. L’association des 3 termes y est sensée matérialiser l’indivisibilité de cette nouvelle IIIème République. 

Pourtant l’origine de cette devise demeure assez obscure. On sait seulement qu’elle apparaît pour la première fois dans une réunion du club des Cordeliers (club très révolutionnaire plus que celui des Jacobins) en mai 1791. A cette occasion, Il y avait été proposé que les soldats portent cette triple devise sur une plaque disposée sur le cœur.

A travers l’Histoire, le statut des 3 mots a-t-il toujours été le même ?

En fait, comme disait Mona Ozouf (1997) « Sous l’apparente immuabilité de la devise grouille un monde de perplexité ». 

Certes l’épisode révolutionnaire affectionne les formules ternaires, mais il utilise assez peu Liberté-Egalité-Fraternité. La Liberté et l’Égalité sont des sœurs jumelles naturelles. Il est évident que ces deux premiers termes sont très compatibles car, comme disait le député Rabaut Saint-Pierre, « Que pourrait-être la liberté des opinions si cette liberté n’est également distribuée à tous ? ». Ce député du Tiers État figure sur le tableau du Serment du Jeu de Paume. Il est le personnage de droite, il est pasteur protestant. 

Donc, dès les débuts de la République, les termes Liberté et Égalité sont associés, mais qu’en est-il de la Fraternité qui est absente de la Déclaration initiale des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.

Elle connaît un autre parcours et s’impose plus difficilement. On peut faire référence aux idées de Pierre Leroux (1797-1871) homme politique et éditeur qui développe la devise ternaire de la façon suivante : 

  • -la Liberté est le but (la société doit satisfaction à l’individu)
  • -L’Égalité est le principe (une loi antérieure à toute loi)
  • -la Fraternité est le moyen (règle les actions du citoyen).

Les deux premiers termes renferment l’idée d’un droit, alors que la fraternité est lourde d’affectivité, voire d’une connotation religieuse chrétienne. 

Cette devise se verra chahutée, en particulier pendant l’épisode de l’État français. 

Pour terminer, on peut laisser la parole à un instituteur qui disait à ses élèves, sous la IIIème République, et dont l’Histoire a oublié le nom : 

« Être républicain, c’est être décidé à mettre en valeur la devise de notre république, en faisant de la liberté le plus grand de tous les biens, de l’égalité celle qui n’existe que par le mérite, de la fraternité une solidarité à toute épreuve »

La devise en trois générations

 Entièrement rattachée à l'histoire républicaine, la devise vient exprimer l'histoire des droits et libertés individuels, de la philosophie des Lumières aux exigences nouvelles du XXI° siécle.

 Si dans leur formulation, les trois termes de la devise apparaissent simultanément

la mise en œuvre effective de ces trois grands principes a en revanche mis plus de deux siècles à s'accomplir.

 L'histoire des libertés fondamentales est généralement présentée comme ayant parcouru trois générations bien distinctes.

    1) Au nom de la liberté : les droits civils et politiques 

 La première génération de droits est formulée au moment de la Révolution française: elle est totalement inspirée par l'idéal défendu par les philosophes des Lumières.(XVIII° siècle). Dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la liberté apparaît comme valeur fondamentale : elle est pensée comme le pouvoir reconnu à tout individu de ne subir aucune contrainte.

 La première caractéristique est qu'elle comprend des droits dits « classiques », c'est à dire des droits qui nécessitent l'abstention de l’État : la liberté est conçue  comme ne pouvant être réalisée que contre l’État. Seul, donc un État minimaliste, qui s'abstient, peut garantir l'exercice des libertés individuelles. Celà correspond à l'attachement des révolutionnaires à la liberté et mettre fin à l'Ancien Régime et à la monarchie absolue dans laquelle la liberté individuelle n'était que pure fiction.

      2)Au nom de l'égalité : les droits économiques et sociaux

 On assiste au milieu du XIX°siècle, à l'avènement dans la pensée politique et sous l'influence du marxisme, de droits volontairement moins individualistes et moins abstraits que ceux de 89. Ils vont être consacrés dans le champs juridique, après la deuxième guerre mondiale.

 L'idée se développe que la DDHC (Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen) loin de garantir les libertés individuelles de tous les citoyens, permettrait à la bourgeoisie de maintenir sa domination sur la classe de prolétaires. Il n'y aurait pas de liberté possible sans la reconnaissance et l'organisation d'une véritable égalité entre les citoyens. Il fallait donc garantir les droits économiques et sociaux, en faisant de l’État le principal responsable de leur garantie. L’État doit venir corriger les inégalités économiques et sociales issues d'un libéralisme aux effets trop inégalitaires.

L’État libéral se mue donc en État providence. C'est le préambule de la Constitution de 1946 qui est venu consacrer juridiquement ces droits de deuxième génération en énonçant un ensembles de principes particulièrement nécessaires à notre temps:droit de grève, droit syndical, droits pouvant être exigés de la collectivité et donc de l’État comme le droit à la santé, à l'instruction, à la culture, à obtenir un emploi, à la santé...

        3) Au nom de la fraternité : les droits de solidarité

 A partir de la fin de la deuxième guerre mondiale vont apparaître les droits de la troisième génération. Ils sont qualifiés de « nouveaux droits de l'homme » ou encore de « droits de solidarité » : ils sont venus consacrer en droit l'idée de fraternité.

Certains sont nés sous l'influence et l'impulsion du droit international : émergence du droit des minorités, leur protection, et apparaissent des droits d'un nouveau temps dans l'histoire de l'humanité. (droit de l'environnement). La responsabilité devient collective et s’émancipe de la dichotomie première entre État libéral et État providence.

 Mais les droits de la troisième génération, sont-ils de véritables droits ? Sont-ils justiciables? de simples vœux ?

Désormais, le préambule de la Constitution de 1958 reconnaît les trois générations de droits, répond à la Déclaration de Vienne adoptée en 1993, en affirmant que toutes les libertés et les droits, sont indissociables, interdépendants et d'égale validité.   

La Liberté

 L'horizontalité d'écriture suppose-t-elle une verticalité de rang, et donc une hiérarchie. ? Qu'en est-il des «  trois marches du perron suprême » comme Victor Hugo nomme la devise.

 Les trois termes sont-ils accumulation, ou énumération, injonction ou exigence ?

 Faire ce qui nous plaît, est-ce être libre ?

 C'est sûrement la première définition qui vient à l'esprit.

 Mais, imposer notre bonheur contre tout, contre tous, est-ce être libre ? N'est ce pas, plutôt, l'incantation d'une totale servitude à la nature ?

 Etre libre c'est pouvoir choisir, se débarrasser des déterminations, ; « l'Homme est condamné à être libre » disait J.P.Sartre dans l’Être et le néant .., c'est à dire déterminer par soi-même ce que l'on souhaite. Dans un article intitulé « la République du silence » il commence par cette phrase paradoxale et provocante « Jamais nous n'avons été plus libres que sous l'occupation allemande ». Mal interprétés, les propos de Sartre voulaient seulement pointer que, dans une situation neutre, il est possible de vivre dans une certaine indétermination, mais face à l'oppression, aux tortures, il faut choisir en toute responsabilité. « Cette responsabilité totale dans la solitude, n'est ce pas le dévoilement même de notre liberté ?».ajoutera-t-il pour faire taire les critiques.

Comment être libre en obéissant à une loi ?

 Si « l'obéissance au seul appétit est esclavage, l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est la liberté. L'obéissance au devoir est une résistance à soi même ». Rousseau pense que liberté n'est pas indépendance.

 Cette obéissance ne se fera que si l'Homme est auteur de cette loi ; il obéira donc à lui-même, et accède ainsi à la conscience politique, puis à l'autonomie. Sa conscience morale lui permettra de se rendre maître de lui. Cette moralité, dont Kant nous dit qu'elle ne s'est pas imposée de l'extérieur, mais plutôt de l'intérieur.

Ma liberté s'arrête là où commence celles des autres

 Ce précepte ne présume-t-il pas des frictions à la frontière ? Ne laisse-t-on pas penser avec cette maxime, qu'on ne peut accroître sa liberté qu'au détriment de celle d'autrui. A deux, à plusieurs, n' acquiert-on pas plus de pouvoirs, de capacités d'action que tout seul ? 

 Pour faire un Homme, il faut des Hommes. C'est dans cette relation que se trouve le matériau de la construction de cette Liberté. En l'absence d'autres, on est prisonnier de nous-mêmes. Donc, ma liberté commence là où commence celle des autres, et finit là où finit celle des autres.

 Elle n'est donc pas un état , mais un chantier !

Pourquoi un désir de liberté se transforme-t-il en servitude volontaire ?

 Une énigme en apparence. La servitude est associée à la soumission, à la dépendance et rappelle la violence dominatrice : conséquence de la servilité ? Problème de consentement à subir la souffrance ?

 Pour Spinoza,  la servitude des hommes provient d'abord de l'ignorance de ce qui  les détermine, mais aussi par la quiétude, source de  mollesse et de paresse d'esprit, et en la croyance en leur capacité d'être la cause de ce qui leur arrive. Comment, dès lors s'étonner, qu'ils combattent pour leur servitude comme s'il s'agissait de leur liberté, et de leur salut ? La Boétie attribue d'emblée une dimension politique et non plus seulement cognitive, sur la base que le nombre est pour les peuples soumis à la tyrannie, synonyme de faiblesse.

Liberté et sécurité sont-elles conciliables ?

 L'actualité met en évidence la mise en tension de ces deux notions. 

 Plus de liberté pour les autres, entraîne moins de sécurité pour moi. Plus de sécurité publique ont pour conséquence, moins de libertés individuelles.

 La sécurité étant la première des libertés, doit-on considérer que la loi est toujours une règle du jeu dans une époque donnée ? En fonction des nécessités, cette règle du jeu peut-elle être modifiée ?

 Le choix de Sophie, posé en ces termes, égare car l'alternative appelle moins un choix qu'une priorité. En effet sans sécurité, la liberté n'est qu'illusion ; néanmoins sa quête ne doit pas conduire à effriter nos droits, au prétexte de les protéger . Un équilibre est à trouver !

 Et pourtant, « on ne peut pas mûrir pour la liberté si on ne l'a pas été préalablement mis en liberté. Sinon on repousse indéfiniment le moment de l'émancipation et non l'interdire pour incapacité. »

 Le sophisme que démonte et dénonce Kant -celui qui consiste à refuser la liberté aux peuples en alléguant de leur incapacité à assumer cette liberté- a servi à tous les régimes : c'est en son nom qu'on a longtemps refusé aux peuples colonisés leur indépendance, prétextant d'une sorte de minorité culturelle et politique qui leur aurait interdit de se prendre en charge seuls..

L’Égalité

 «  Les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » 

 L'égalité est la condition de la Liberté et non le but. Il faut rester libre pour lutter contre les inégalités. Elle est aussi la noblesse de la République...tout en étant en quelque sorte son Tiers Etat! Car c'est la première valeur dans l'ordre historique et social.

 Même si sa définition paraît claire «principe selon lequel, les individus, au sein d'une communauté politique doivent être traités de la même façon», une société peut admettre plusieurs types d'égalité : l'égalité de droits (égalité civique et politique) fondée sur l'égalité naturelle entre les hommes, l'égalité des conditions (égalité sociale), trait dominant des démocraties modernes.

 Le libéralisme a reproché à cet égalitarisme de favoriser l'égalité au détriment de la liberté individuelle.

  Quant à la distinction entre égalité et justice, on peut ajouter que l'inégalité sociale n'est pas injuste en elle même, mais seulement lorsqu'elle empêche des individus de jouir de leurs droits.

 Dans la théorie de la justice de John Rawls, on distingue deux éléments de base : les êtres peuvent être égaux avec certaines libertés (droit à la vie, d'expression, de propriété) et inégaux, certains étant mieux dotés que d'autres. C'est la différence entre une justice commutative qui ignore les différences entre les individus et donne à chacun la même part et une justice distributive qui est une justice au mérite, liée à la condition sociale...Cela se fonde sur l'idée aristotélicienne d'équité qui est une égalité avec une juste dose d'inégalité.

 Que dire de l'ouvrage de Bourdieu et Passeron « Les Héritiers », et des inégalités selon le groupe d'appartenance, devant la culture. L'Ecole y est analysée comme une institution reproduisant les écarts, les exigences et les critères d'enseignement au détriment des classes défavorisées.

 Et pourtant dans une vieille gravure dans les petits Lavisse, on voit Charlemagne félicitant des enfants de pauvres, houspillant des enfants de riches, disant aux premiers : « L'Ecole Républicaine reconnaîtra vos mérites. »

  Enfin, une réflexion s'impose sur ce qui est devenu un proverbe américain et qui émane d'une réflexion de Samuel Colt connu pour la popularisation du revolver : « Dieu a fait des Hommes petits et des Hommes grands. Je les ai rendus égaux ».

La Fraternité

 L'histoire a bien fait les choses. La fraternité ne pouvait arriver qu'en dernier, après l'égalité. Des égaux en droit ne sont certes pas nécessairement fraternels, mais il n'y a pas de fraternité là où règnent caste, ordre, privilège.

 N'est-elle pas le catalyseur de la coexistence liberté-égalité ? 

 C'est bien parce que prit corps l'idée de patrie-mère commune des citoyens- que nous pouvons nous dire « frères », égaux devant la mort. 

 Mais Platon déjà, avait imaginé une cité idéale, organisée autour d'une fraternité universelle au-delà des liens de parenté naturelle. La puînée était donc en avance sur ses deux voisines.

 Avez- vous remarqué qu'elle ne figure dans aucun dictionnaire philosophique ? Elle laisse supposer le même père, même créateur....ce qui exclut les non-croyants. Et pourtant n'est-elle pas religion dans la mesure où à son tour elle relie (religion: du latin religere).

 N'est ce pas curieux que la Bible ait mentionné, la première, la fraternité, qui se termine par un meurtre ? En inspirant beaucoup de récits littéraires,  elle nous invite  à regarder une actualité secouée par la violence,  la jalousie, la difficulté à admettre la présence de l'autre et à gérer l'inégalité des chances et des destins en nous ouvrant un espace d'interprétation.

 La Fraternité, est-elle amitié, s'interroge François de Singly? L'amitié est plutôt  plutôt « sociétaire » quand la seconde est communautaire. Contrairement à l'amitié, la fraternité ne prend ni naissance, ni peut s'éteindre. Ainsi la durée du lien fraternel est plus longue que la durée du lien amical.

 Est-elle bienveillance? à l'égard du semblable, instinctive et naturelle parce que ressemblance des hommes entre eux ? questionne Sénèque..Or, la Fraternité est plutôt sur la dissemblance que sur la ressemblance.

A l'épreuve de la modernité

 Depuis l'affect, la nostalgie de l'inaccompli et récemment, les évènements tragiques, les cauchemars ont laissé la place au rêve d'une France fraternelle. 

Ne doit-elle pas avoir place dans le quotidien, plutôt que de faire une apparition épisodique salvatrice ? comme si on devait l'économiser pour mieux la préserver. Doit-on conclure, comme le fit Robespierre en déclamant « la fraternité ou la mort ! », et dénoncer le côté tragique de la situation.

 Même confus et fugace, ce retour ne doit-il pas nous interroger ? 

 La fraternité est un sentiment que chacun est libre de ressentir ou non ,sans rendre compte à personne, quand la solidarité est une mesure sociale de l'Etat, imposée à tous. Elle se distingue de la solidrité par la dimension affective de la relation humaine, liée au sentiment d'appartenance à la même espèce, l'humanité, ce qui lui donne un caractère plus universel. En payant ma cotisation à la Sécurité Sociale, par exemple, je suis solidaire, pas fraternel : c'est un intérêt mutualisé, un calcul raisonnable, pas un sentiment fusionnel.

Difficultés rencontrées par la Fraternité

 Victime de son abstraction, car la Fraternité est moins un principe qu'un sentiment. Et un sentiment ne s'impose pas. Comment l'incarner, la ressentir, l'éprouver ?

 Il est difficile de faire comprendre la Fraternité à ceux qui sont du « bon côté ».

Cette vertu difficile et ambiguë, loin d'avoir son avenir derrière , pourrait bien devenir un moteur de la modernité !

 Rappelons nous la mise en garde de Martin Luther King : « Si nous ne savons pas vivre comme des Frères, nous mourrons comme des idiots. »

Difficile de trouver un équilibre

 Après ce bref cheminement, si nous revenons à la devise Républicaine, nous constatons que pour maintenir les trois valeurs en même temps, il faut faire preuve d'habileté et de pertinence permanentes. Car :

    •   Trop de liberté conduit à la victoire du libéralisme mettant à mal l'égalité. (Rousseau, Marx)

    •   Trop d'égalité conduit à un égalitarisme qui devient un danger pour la liberté (Tocqueville, Montesquieu).

    •   Trop de fraternité, de souci de l'autre, réduit l'individualisme au risque du communautarisme.

 Cette mise en tension est délicate. Difficile de trouver un équilibre. Mais n'est-ce pas la promesse, le credo, la condition pour le vivre ensemble. 

Repères idées philo: (entre autres).

    •  L'homme est inconditionnellement libre (Sartre)

    •  L'homme n'est pas libre, car conditionné (Spinoza)

    •  On prend acte que l'on est conditionné mais on peut s'en libérer (Marx)

    •  J'accepte les choses en l'état, je fais avec (Stoïciens)

    •  Je donne du sens à ce qui, au premier abord n'en a pas (Camus)

    •  La banalité du mal (Arendt)

    •  Principe de responsabilité (H.Jonas)

    •  Notion de juste milieu (Aristote)

    •  Liberté et responsabilité (Sartre, Ricoeur, Arendt)

    • Contre pouvoir et espace public (Habermas).

ATELIER ET DÉBATS

Difficultés à l’école pour développer l’esprit critique et le débat car les enseignants ont peu de marge de manœuvre 


Les gouvernements criminalisent ceux qui manifestent (leur esprit critique)


Une sorte de fraternité n’est elle pas « naturelle »  pour l’homo sapiens ? Celui-ci s’étant différencié de l’homme de Néandertal par sa capacité à conceptualiser et à faire confiance à l’autre malgré sa différence. C’est après la révolution cognitive que le tissu social devient plus large et qu’on trouve des preuves d’échanges entre peuples éloignés.


Quand l’égalité de droits apparaît elle ne s’applique pas dans les colonies : colons et les sujets (indigènes). Comme le disait Aimé Césaire à propos de ceux qu’on considérait comme « indigènes » : « ce ne sont pas des citoyens à part entière mais des citoyens entièrement à part ».

Bien sûr il faut contextualiser dans l’époque du XIXème siècle (voir le discours de Jules Ferry à la chambre des députés le 28 juillet 1885 où il dit que « La politique d’expansion coloniale est un système politique et économique, je disais qu’on pouvait rattacher ce système à trois ordres d’idées ; à des idées économiques, à des idées de civilisation de la plus haute portée et à des idées d’ordre politique et patriotique… Sur le terrain économique … les considérations qui justifient la politique d’expansion coloniale au point de vue de ce besoin de plus en plus impérieusement senti par les populations industrielles de l’Europe et particulièrement de notre riche et laborieux pays de France, le besoin de débouchés…. Il faut dire ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures...parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures... »


Le mythe, l’histoire racontée par cette triple devise n’est-elle pas mise à mal quotidiennement par le politique et du coup le peuple a plus de mal à y souscrire ?

Le langage des politiques ne met-il pas à distance les maux et les mots pour dire ces maux ? Discours que les médias et les pouvoirs amplifient.  N’y-a-t-il pas une opposition entre ce qu’on entend et ce qu’on voit, un écart entre ce qu’on nous propose et ce qu’on vit et ce que vivent ceux qu’on traitent comme des citoyens de secondes zones ?

Ce qu’on peut nommer le « discours apéritif », on avale tout ce qui suit mais cela devient de plus en plus indigeste ensuite.


La liberté sur le plan économique peut conduire au néolibéralisme qui est une catastrophe pour l’égalité et la fraternité


Cette devise doit être comme une ligne d’horizon à atteindre. Le sens profond de chacun de ces trois mots est encore loin d’avoir émergé.

C’est un certain idéal pour l’humain. Mais l’application de cette devise est sous forme sinusoïdale. Par exemple après guerre elle a été plus exacerbée. Les grandes catastrophes font plus appel à des désirs de Liberté, d’égalité et surtout de fraternité. 

Le mot « devise » est aussi un concept économique (Tout actif financier liquide libellé en monnaie étrangère). Le cours d’une devise varie de jour en jour mais les devises permettent les échanges avec les autres. 

Dans l’histoire il y en a toujours une des trois devises qui a été dominante suivant le contexte.


Nous naissons différents et inégaux mais on peut aussi passer notre vie à à sublimer cette inégalité/différence en y trouvant d’autres avantages, comme justement la différence liée à la personnalité.


Une dérive d’une fraternité plus restreinte c’est le communautarisme. Les liens liés à la communauté d’appartenance ne doivent-ils pas rester dans le domaine du privé ?


Il faudrait que les dirigeants donnent les moyens de faire respecter la devise lorsqu’elle est bafouée. L’exemple est donné du désir de démission de professeurs qui sont malmenés alors qu’ils ne reçoivent pas de soutien de l’Éducation Nationale ni de l’État.

Enseigner à notre époque devient difficile et il y a une autocensure qui apparaît.


Sartre, par sa phrase provocatrice : « jamais nous n'avions été plus libres que sous l'occupation allemande » nous dit que quelque soit l’état de coercition dans lequel on vit, quelqu'un qui a l’habitude de penser, peut toujours penser et penser ce qu’il veut. On peut tuer un individu mais on ne peut pas voler sa réflexion, sa liberté de penser. «L’homme est condamné à être libre» comme il le disait dans une situation neutre on peut vivre dans l’indétermination mais face à la torture il faut choisir, il nous reste de choisir de collaborer ou pas.