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Pour un nouveau contrat social


Et si l'on changeait tout? Si l'on "tricotait" un nouveau Contrat Social? Les lectures de "La contre-Démocratie" de P.Rosenvallon, "Pour un nouvel imaginaire politique" d'E.Morin," Capitalisme ou Démocratie?" de M.Fleurbaey, "Comprendre le Monde pour le changer" de P.Favre, "Le pouvoir local ou la Démocratie improbable" de M.Koebel," Repenser la solidarité "de S.Paugam "Développement mondial et mutation des sociétés contemporaines" de J.Copans, "Vers un nouveau modèle social de B.Gazier seront autant d'appoints à venir enrichir les textes de Henry, Nassima et Jacky sur cette thématique.

1789-2019 - Les cahiers de Doléances, Expression de la démocratie ou matériaux pour l’Histoire

Court, rapide, forcément incomplet, ce texte s’autorise un retour, 230 années plus tard, sur les Cahiers de Doléances rédigés quelques mois avant la Révolution Française. Au-delà des attentes et des demandes des citoyens, ils renvoient à une question plus profonde qui est celle du sens à donner à l’Histoire et des leçons à en tirer ?

L’Histoire a-t-elle un sens ?

L’Histoire a-t-elle un sens ? Quelle philosophie attribuer aux données émanant de cette discipline ? Faut-il lui attribuer :

-Un sens cyclique, conjugué avec celui de la construction du temps, quasiment biologique, qui voudrait que les sociétés humaines se comportent comme les individus avec une vie et une mort (voir philosophie grecque de l’Histoire) ?

-Un sens progressiste, comme la vision de Kant ou de Marx, qui reconnaît un sens général à l’Histoire, celui de la course de l’humanité vers le progrès.  

-Un sens cataclysmique, comme le percevait Hegel, selon lequel l’Histoire obéit à un sens et à des lois dont le moteur se nourrirait de crises économiques qui lui donneraient ses impulsions. 

-Plus récemment, à la suite de A.Toynbee (1889-1978) on est revenu à une idée déjà ancienne que les civilisations parcourent des cycles reconductibles et qu’il ne faut pas demander à l’Histoire ce qu’elle n’a pas les moyens de déduire. Dans cette approche seules les religions resteraient immuables. "L’Histoire n’explique pas en ce sens qu’elle ne peut pas déduire et prévoir - là réside la différence avec les systèmes hypothético-déductifs des sciences"

En quoi ces réflexions trouvent-elles un éclairage dans la rédaction des Cahiers de Doléances ?

En cette mi-année 1789, la France traverse une crise économique, sociale et financière sans précédent, débutée en 1788. La rédaction des Cahiers de Doléances est, dans ce contexte, une soupape de sûreté. L’organisation générale du dispositif est bien pensée. Ainsi les documents qui sont remontés jusqu’aux Etats Généraux à Paris pour y être présentés respectent la tripartition des 3 ordres : Clergé, Noblesse et Tiers. Les deux ordres privilégiés s’expriment directement dans des Assemblées de Province (dans notre cas, la province du Roussillon). Le Tiers, quant à lui, décline suivant des étapes plus nombreuses : de la paroisse (ou communauté) vers l’Assemblée du Tiers des Vigueries (chez nous, celles de Cerdagne, de Conflent-Capcir, et du Roussillon-Vallespir), puis vers l’Assemblée de Province (celle du Roussillon), enfin vers les Etats Généraux à Paris.

Sur l’ensemble du territoire français les Cahiers de Doléances ont un ton plutôt modéré. Les demandes récurrentes concernent essentiellement : la suppression des droits féodaux, l’égalité devant l’impôt, la définition du sujet face au pouvoir royal et les libertés individuelles. 

De notre province du Roussillon, nous sommes en possession de 132 cahiers, autant dire de la quasi-totalité des productions. Chaque communauté, ou paroisse, rédige un cahier. Comme le dit Ph. Rosset(1) à l’occasion de la publication des cahiers en 1989, lors du bicentenaire de la Révolution Française "Chaque communauté y exprimera - avec plus ou moins de talent, de précision et d’originalité, selon la personnalité des rédacteurs et l’influence de modèles - les préoccupations, les craintes de ses membres".

Qu’ont alors demandé les habitants d’Argelès-sur-Mer ?

Leur texte est bien structuré en 17 points et "brasse" large. Les demandes sont de deux ordres au moins : 

-des demandes politiques : pérenniser et rendre inamovibles les charges des officiers municipaux, affirmer les libertés individuelles, rendre l’emprisonnement confirmé par un juge compétent, confirmer le respect inviolable du droit de propriété….

-des demandes économiques : unicité de l’impôt, assujettissement de l’impôt pour tous les propriétaires, absence d’exemptions pour le logement des troupes, abolissement des corvées des voies de communication, baisse de la gabelle et des droits de contrôle, augmentation des revenus liés à la production d’huile, suppression du droit de timbre, abolition du droit de pied fourchu(2), suppression des dîmes….

Suivent les signatures de trois consuls, de 23 sujets et 1 secrétaire. 

Le cas du cahier de Coustouges

L’ensemble des Cahiers de Doléances de la province du Roussillon traite globalement des mêmes requêtes. Cependant certains ont une réelle dimension philosophique. C’est le cas du cahier de Coustouges. Le secrétaire, l’abbé Cazes, s’y livre à une authentique dissertation, structurée en parties et articles, sur le thème du Contrat Social de Rousseau (1762). Il signe même pour ceux qui ne savent pas le faire. Il démontre par-là la perméabilité de certaines idées annonciatrices de la Révolution parmi le clergé, surtout celui qui vit au milieu de la population. 

Et maintenant ?

La tentation serait grande de revenir à notre problématique initiale et de poser la question des leçons à tirer de cette première consultation pour inférer le devenir de celle de 2019, dont les moyens de traitement de l’information sont sans commune mesure, au niveau de l’analyse des données au moins (recherche des algorithmes informatiques par exemple). Nous nous en garderons ! Il reste de façon certaine que les cahiers de 1789 demeurent une des sources les plus riches pour l’historien qui travaille sur ces moments pré-révolutionnaires. Comme l’écrivait E.  Frenay(3) en 1979 lors de la publication des Cahiers de Doléances de la Province du Roussillon : "A travers eux (les Cahiers) monte la voix d’un peuple qui prend pour la première fois la parole". L’écouter, prendre son pouls, analyser et présenter ses demandes sont sans doute la trame visible du travail de l’historien. Il convient cependant de garder présente à l’esprit cette remarque de J. Renard "Quand le peuple ne subit pas, quand il veut discuter, c’est l’épaisse poussière de la bêtise qui s’élève. On lui fait des discours, on ne cause pas de lui". Reste que la bêtise, elle-même, peut-être matériau d’étude et de réflexion pour le chercheur. Les Cahiers de Doléances de 2019 connaîtront-ils le même destin que leurs aînés ? 

HENRY


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(1) Il était alors le directeur des Archives Départementales des Pyrénées-Orientales. 

(2) Il concernait un droit perçu pour les ovins, bovins et porcins, et non pour les chevaux.

(3) Il est alors professeur au Lycée Arago et chargé du service éducatif des Archives Départementales des Pyrénées-Orientales.


Quel Contrat social pour le monde d'après?

Un Contrat social amène, selon Rousseau, à trouver une forme d'association protégeant la personne et les biens de chaque associé qui en s'associant à tous, reste libre en n’obéissant qu'à lui-même. Le Contrat social serait-il "un conte de fée"? Plus sérieusement, définir ensemble la société dans laquelle nous voulons vivre, est-ce encore possible? "Pourrions-nous vivre ensemble? Égaux et différents" s'interroge le sociologue des mouvements sociaux, Alain Touraine. Cette question travaille nos sociétés depuis quelques années déjà. La recrudescence de la violence et la désobéissance civile qu’on observe aujourd’hui, provient du fait qu’une partie importante de la population s’interroge sur l’obligation de se plier à la volonté générale de l’Etat et des élites. Il s’agit de savoir si le Contrat social est un outil capable de se régénérer ou est-ce une doctrine? Si le Contrat social est un outil, il doit suivre le changement social en intégrant la complexité qui caractérise les sociétés contemporaines. Toutes ces questions sont essentielles car il s'agit bien de réinventer le Contrat social au regard des nouvelles exigences sociales, politiques et économiques. 

J’associe à mon texte, la communication du sociologue Guy Bajoit, professeur émérite de l’université catholique de Louvain, au colloque sur « Les conséquences de la globalisation sur le contrat social dans les sociétés modernes » qui s’est déroulé à l’université de Conception (Chili), les 17, 18, 19 janvier 2007, et que vous pouvez télécharger ICI.

Nassima

Vers un nouveau Contrat social

 Le 9 Juillet 2018, devant les parlementaires français réunis en congrès à Versailles, Emmanuel Macron déclare solennellement vouloir « redonner corps à une République contractuelle…Celle qui permettra de jeter les bases d’un nouveau contrat social. »


  Un contrat social ne pouvant exister que dans une société, il est utile de s’interroger : quand et comment les sociétés et les cultures humaines sont-elles apparues ? Pourquoi les individus se réunissent-ils en société ? Comment les Etats naissent-ils ?


 Les réponses à ces grandes questions se répartissent en deux catégories.

  Les Sciences Humaines ont répondu sous la forme d’un grand récit des origines, qui affirme que la société est née en rupture avec l’ordre naturel, sous forme d’un acte inaugural. J.J.Rousseau et T.Hobbes voyaient la naissance de la société comme un rassemblement d’individus « sauvages » décidant soudain de passer un « contrat social ». E. Durkheim identifiait la fondation des sociétés à une grande cérémonie collective donnant naissance à la fois à la religion, à la morale, à la société et   aux représentations collectives. Claude Lévi-Strauss a imaginé que le « passage de la nature à la culture » s’est effectué avec l’invention de la prohibition de l’inceste et l’échange de femmes.


 La théorie de l’évolution propose un autre modèle : les sociétés humaines ne se situent pas en rupture, mais dans le prolongement de l’ordre naturel. La société, n’est pas une invention humaine.

L’étude des sociétés animales remet en cause un dogme fondateur des sciences humaines selon lequel la société est fondée sur la culture et que cette dernière marque une rupture avec l’ordre naturel.

 Depuis quelques années, il n’est plus de mise d’opposer ces deux modèles ; il faut envisager leur dépassement.


  Le Contrat social pose, non le problème historique de l’origine de la société, mais le problème juridique de son fondement ou de sa légitimité.

 Issu du droit privé, le contrat est un accord juridique qui par une audacieuse transposition permet   d’expliquer la génération de sociétés politiques organisées. Appliqué à la chose publique, il devient alors l’acte primitif grâce auquel des volontés libres et autonomes vont non seulement mettre en ordre les relations sociales mais aussi définir les conditions d’acquisition et d’exercice de la souveraineté. En consacrant l’individu comme clé de voûte de la puissance de l’Etat, l’idée de contrat social fait vaciller l’approche paternaliste du pouvoir souverain à laquelle toutes les monarchies de droit divin sont adossées. 


 Le contrat social selon Hobbes


 En 1651, Hobbes livre le Léviathan : le contexte britannique est marqué par dix ans de guerre civile.  La fameuse « Grande Rébellion » a, deux ans plus tôt, débouché sur l’exécution du roi Charles 1° et l’abolition de la monarchie. L’Angleterre voit la puissance ecclésiastique décliner au profit de la puissance civile. Ce nouveau monde « n’est plus le monde divin, immobile et plat, c’est le monde profane de l’action historique, le monde de la volonté et du calcul, c’est le monde des forces et de la force ».

 A l’interrogation de fixer une définition de l’animal humain et ce qui le meut, Hobbes répond en quatre points :

  •     • Les hommes sont animés par les passions (amour, colère, appétit, courage…)
  •     •  Ces passions et les pensées qui s’y rapportent sont identiques chez tous.
  •     • Elles ont une origine physiologique, les sensations du corps.
  •     • Les catégories de jugement (juste/injuste, bon/mauvais…) résultent des passions et des intérêts 

particuliers de chacun. La souveraineté consiste à canaliser les passions, à définir les vérités 

Publiques : ce qu’il faut croire et ne pas croire, ce qui est licite et illicite.

 La sociabilité naturelle de l’homme, telle que le philosophe anglais la conçoit est pour le moins asociale, puisque c’est par intérêt, égoïstement et pour son propre confort, qu’il va rechercher la relation à l’autre. Ainsi naît la civilisation. Encore faut-il en payer le prix. Il faut passer par un dessaisissement : les hommes vont s’accorder leur propre définition de la paix sociale, et pour la maintenir, renoncer à faire usage de leur violence individuelle au profit d’une autorité légale, celle de l’Etat. Il s’agit d’un contrat. 


 Locke : l’état de nature est un état social


  Pour lui, les choses sont claires : Dieu est une persona non grata dans les affaires publiques. L’état de nature est un état de liberté mais, surtout déjà un état social : les hommes y expérimentent des bribes de civilité et d’égard mutuel. L’état de nature lockien n’est donc pas l’état de guerre universel

Hobbesien, mais plutôt un état de guerres sporadiques contre tous ceux qui dérogent aux lois de la nature.

 Là où le contrat social est, chez Hobbes, un acte de rupture brutale, il est chez Locke une forme d’amélioration de la condition humaine : l’homme se voit confier la tâche de légiférer pour le bonheur commun. Il s’épanouit alors pleinement en tant que citoyen.

 Mais si Locke est farouchement opposé à la monarchie absolue, il ne se fait pas pour autant le héraut de la démocratie.

 Seul compte pour lui, par un contrat unique, que les institutions et les lois s’élaborent suivant la règle majoritaire (à l’exception des femmes et des pauvres). Sa pensée relève plus des angoisses de la classe bourgeoise qui est la sienne, aussi méfiante vis-à-vis du peuple qu’occupée à préserver ses intérêts face aux soubresauts despotiques de la monarchie anglaise.


 Rousseau : la société libère…et corrompt.


 Les conclusions du Léviathan entrent en collision avec une obsession toute rousseauiste, dont l’auteur du Contrat Social (1762) ne veut se départir : celui d’établir un pacte fondateur débarrassé de toute abdication liberticide. Il s’agit de trouver la solution pour que « chacun s’unissant à tous, n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant. « L’homme est né libre et partout il est dans les fers. » 

 L’animal humain de Rousseau est marqué du sceau de l’innocence heureuse, de l’égalité naturelle.

 Mais il est aussi perfectible : quitter l’état de nature lui est indispensable pour qu’il s’accomplisse pleinement.  

 L’enjeu pour Rousseau est de concevoir un modèle contractuel qui ne porte pas en lui les germes de la corruption. C’est une forme d’abdication, comme le soulignait Hobbes, mais celle-ci, pas aliénante. La seule chose qui abaisse l’homme, c’est obéir à un de ses semblables par la contrainte. « Chaque citoyen, n’est rien, ne peut rien que par les autres. »

 Tout le Contrat Social est imprégné par ce dogme républicain, où l’homme singulier devient un homme pluriel, passé « sous la suprême direction de la volonté générale. » Si l’on assume de vouloir changer la nature humaine, pour que naisse dans l’esprit des citoyens, un attachement profond aux vertus civiques.

 Ce bréviaire des révolutionnaires, animé par une large fibre sociale, absente chez Hobbes comme chez Locke et dont la Convention montagnarde se fera le relais à partir de 1793. Là où Locke trahissait une certaine défiance envers le peuple, son successeur prend donc le contre-pied.

 Nul ne peut se mettre au-dessus des lois et la volonté générale n’est pas la somme des volontés particulières, car celles- ci prennent en compte des intérêts privés, elle vise l’intérêt commun.

 En conclusion, l’écart entre l’absolutisme de Hobbes, et l’exigence démocratique de Rousseau est décisif de même que la contestation par Rousseau de la conception naturelle de la propriété le différencie radicalement du libéralisme de Locke, l’ensemble des théories du contrat témoigne d’une volonté résolue de fonder la légitimité de l’Etat moderne, et en analyse avec acuité les formes essentielles.


Vers un nouveau contrat social ?

 Selon M.Foucault les aristocrates militaires encourageaient l'individu à s'affirmer dans sa valeur propre, à travers des actions qui le singularisent et lui permettent de l'emporter sur les autres, sans donner de valeur particulière à la vie privée ou de rapport de soi à soi. La bourgeoisie occidentale du 19° siècle faisait jouer un rôle central à la vie privée comme marque de réussite, diminuant par-là, la valeur de l'individu et de ses capacités introspectives. L'ascétisme chrétien des premiers siècles valorisait le rapport de soi à soi mais rejetait les valeurs de la voie privée.

 La spécificité de la société moderne est sans doute de combiner ces trois aspects, donnant à l'individualisme une dimension jusque-là inédite.


Mais qu'est- ce que la société ?

 Si c’est une simple communauté d'individus échangeant des services et des biens, la société aurait par conséquent une fonction avant tout utilitaire : regrouper les forces des individus, diviser et spécialiser le travail, régir les échanges et organiser le commerce.


 Il est permis de rêver de futurs alternatifs. C’est même la signature humaine que de se projeter dans l’avenir, inventer des bifurcations, construire des utopies et s’en servir de phare pour avancer dans le temps. Les utopies gardent un air de famille avec celles d’autrefois : elles esquissent des révolutions. Mais celles d’aujourd’hui imposent de nouveaux thèmes et de nouveaux rythmes : construction de la paix, refroidissement du climat, éradication des frontières, éthique animale, …

Cette crise devrait ouvrir nos esprits depuis longtemps confinés sur l’immédiat, nous y invite Edgar Morin. Et se posent les inévitables questions : Que dois- je savoir ? Que puis- je faire ? Que m’est-il permis d’espérer ? Qu’est-ce qu’on ne sait pas qu’on ne sait pas ?


 Avec le coronavirus, notre vision du monde s’est rétrécie comme jamais clame D.Fassin. La politique humanitaire conduite à l’échelle de la planète avec un coût aussi élevé n’a pas d’équivalent dans l’histoire : elle révèle la valeur supérieure accordée à la vie, par nos sociétés, entendue comme vie simplement physique ou même biologique.  Mais toutes les vies ont -elle la même valeur ?

 Le monde et l’aventure humaine nous apparaissent plus riches de potentialités, plus complexes, plus interdépendants, mais aussi sans doute plus incertains que jamais. Apprendre à déchiffrer de concert les signes du futur, et à les traduire en visions partagées et en projet communs, c’est déjà apprendre à vivre ensemble, nous encourage K.Matsuura. Nous ne pouvons pas prévoir le futur, mais nous pouvons le préparer remarque I.Prigogine.

 Notre démocratie était jusqu’à présent fondée sur un contrat social qui promettait à l’individu toujours plus de liberté, toujours plus d’égalité mais aussi toujours plus de prospérité. Comment faire lorsque l’ascenseur social est bloqué pour une grande partie des français ? L’enjeu est donc bien de revisiter les principes de protection et de cohésion du corps social, en établissant de nouveaux systèmes de solidarité entre ses composantes et en veillant à la préservation des équilibres écologiques, fragilisés par le développement industriel et la logique productiviste.

 La démocratie représentative est-elle arrivée à ses limites ? Doit-on passer à une démocratie dialogique ?

 La pandémie a révélé le besoin d’articulation entre les acteurs historiques de notre contrat social : l’Etat, les entreprises privées, les citoyens-usagers auxquels vient se juxtaposer le « territoire » entendu comme écosystème favorisant la construction de chaînes de solidarité localisées.

 Un nouveau contrat social ne bénéficiera d’un soutien élargi qu’en s’appuyant sur l’égalité et l’équité.

 Aviez-vous remarqué , que, « Du Contrat social » était l’anagramme de « Un Accord si total ? »


 Cela nous invite-t-il pas, à repenser le Contrat Social au sens plus large du terme : dès lors les questions classiques de Kant - « que puis-je savoir ? » - « que puis-je faire ? »…doivent être reformulées  en autant d’interrogations futuristes, où le nous se substitue au je. Cela nécessite une prise de conscience durable, au-delà de l’émotion que suscitent les catastrophes. Peut-on prévoir le futur dans un monde si incertain ? Pourtant nous ne pouvons éluder plus longtemps les questions qui constituent autant d’épreuves pour la réflexion prospective et pour l’espèce humaine.

 Ne serait-il pas utile en pensant au Contrat social d’évoquer l’apprentissage du vivre ensemble, en s’interrogeant sur le futur de la démocratie, tant harcelée (A.Touraine ou M. Walzer…) de nous interroger sur l’avenir des droits de l’homme (F.Mayor, M.Robinson, M.Delmas-Marty) sur Demain les Femmes (H.Béji, N.Morgan, N.Ndiaye) Quelle enfance au XXI°siècle ? (C ;Kielburger, V.Muntarbhon). La fin de l’utopie ou la naissance de nouvelles utopies ?,

 Mais il nous semble que ce contrat social ne peut faire l’économie du Contrat Naturel qui sous -entend l’avenir de l’espèce humaine, l’explosion ou l’implosion de la population, les biotechnologies, la pollution chimique et la pollution invisible, le problème de l’eau, de l’énergie…

 Mais aussi, le Contrat culturel qui doit imaginer de nouveaux territoires pour la culture, le pluralisme et l’éducation, sans oublier le Contrat éthique pour une nouvelle phase de la mondialisation, vers une nouvelle forme de développement et la fin de la pauvreté.

 La crise a réveillé les solidarités endormies, mais de façon provisoire.

 L’humanité reste dispersée, compartimentée et les angoisses suscitées par un présent précaire, un futur incertain referment les esprits sur la nation, l’ethnie, au lieu de réveiller le sentiment d’appartenance à la communauté de destin de l’Humanité. La nouvelle voie est au service d’une nouvelle vie, nous indique E.Morin. Et gardons-nous des réseaux sociaux où souvent le deuxième degré est interdit, où la parodie, l’humour, le clin d’œil ne sont plus compris où le cortex néo-frontal celui de l’introspection, est mis de côté : ils sont la démocratisation du procès, où tout le monde met tout le monde en examen.

  Sommes-nous prêts à relever les quatre grands défis : la paix, la fin de la pauvreté, le développement durable et la préservation de l’environnement et la fin du « bateau  ivre », qui avancerait sans projet comme c’est le cas de certains qui avancent sans leurs instruments de pilotage. Et enfin à plus long terme peut-on espérer avancer à des formes diverses de démocratie planétaire.

 La clé nous apparaît être l’éthique du futur : non pas une éthique du futur, remise aux calendes grecques, mais une éthique du présent…pour le futur !

 Les anciens grecs nous ont légué deux idéaux : celui de l’intelligibilité de la nature et celui de démocratie, basé sur le présupposé de la liberté humaine, de la créativité et de la responsabilité ; si nous sommes très loin de l’accomplissement de ces deux idéaux, pouvons-nous au moins, agir pour qu’ils ne soient pas contradictoires. Pour cela rappelons-nous, les quatre piliers de l’apprentissage selon la commission Delors : apprendre à connaître, apprendre à faire, apprendre à être, apprendre à vivre ensemble. Pas moins que de créer du lien social et donner du sens au futur. 


 Mais prudence, dans cette passionnante aventure de la quête d’un nouveau Contrat social, car, comme le précisait C.Chabrol : « La bêtise est infiniment plus fascinante que l’intelligence, infiniment plus profonde. L’intelligence a des limites… la bêtise n’en a pas ! 

 Jacky

Et maintenant ?

 Prise en étau entre la mondialisation de l'économie et la fragmentation des cultures, la démocratie au XXI° siècle doit faire face à bien des incertitudes. Elle se cherche encore dans bon nombre de jeunes démocraties alors qu'elle paraît s'affaiblir là où elle était historiquement la mieux implantée.


 Il serait intéressant de se pencher sur l'actualité, afin de l'ausculter pour mieux l'appréhender, et confronter nos réflexions, à la lumière des événements présents et ceux à venir, pour imaginer, à notre tour, des perspectives d'amélioration  sur le thème:«Apprendre à vivre ensemble; vers un nouveau contrat social».

 Nous pourrions aborder 

  • l'avenir des Droits de l'Homme, quel poids d'inégalités peuvent supporter les ailes de la démocratie ?, 
  • sommes nous prêts à vivre ensemble ?, 
  • quel avenir pour la démocratie ?... 
  • mais aussi le XX° siècle a été celui du mouvement de la libération de la femme, le XXI° siècle sera-t-il celui de sa liberté? 
  • les futurs du travail et les nouveaux usages du temps ? 
  • vers un troisième âge de la ville ?, 
  • naissances de nouvelles utopies ?, 
  • vers une nouvelle phase de la mondialisation ? 
  • Et inévitablement un retour sur soi qui serait engagé dans cette réflexion.

 Cette entreprise peut avoir pour partenaire de route d'autres associations qui donneraient à leur tour leurs propres lumières. 

 Ce n'est qu'un élément de réflexion parmi tant d'autres mais il a l'avantage de nous mettre dans la position du chercheur plus que dans celle du constat.

Vous pouvez relire le texte "Lumière verte dans la brume" que nous publiions fin avril et qui disait à la fin :

C'est en pensant  au courant littéraire américain « la génération perdue» de l'entre deux guerres, qu'il importe que notre génération ne soit pas identifiée comme telle. Et particulièrement, à un auteur qui aura marqué ce courant, au même titre qu'Hemingway : Scott Fitzgerald, auteur de Gatsby Le Magnifique. A l'occasion, en souvenir de ce «magnifique roman», nous pourrions être attirés, comme le personnage principal éponyme, par cette lumière verte dans la brume, sur l'autre rive, que l'on devine le soir ...que l'on espère,....  et qui n'est autre que l' Espérance. 


pour info :